Guerre et Démocratie

L’étonnement, devant la guerre, que nous ayons pu nous laisser prendre à ce point au piège, doit nous donner à réfléchir. Réfléchir à la formidable autonomie du fait militaire, à sa constance. Réfléchir à l’avenir des guerres dans nos sociétés. Pour avoir cru que la guerre n’était qu’une crise de croissance ou d’adolescence des civilisations, leur perversion totalitaire, nous n’avons pas vu, nous ne voulons pas voir sa brutale permanence. Et nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur sa « rationalité » propre, sur sa possible régulation. Nous ne nous sommes pas posé la question de savoir s’il y avait une forme de guerre compatible avec le combat démocratique.

La démocratie entre libéralisme et républicanisme

Dans un premier temps, nous devons tout faire pour récuser une alternative captieuse. En marge du débat sur la guerre, ou à la clé de celui-ci, on a senti en France l’opposition entre ceux qui pensent que la guerre n’est qu’une opération marginale et exceptionnelle de gendarmerie internationale, de maintien d’un ordre planétaire moins pire que le désordre, et ceux qui pensent que la guerre est le fait national par excellence, et que nul autre intérêt que l’intérêt national ne doit être en jeu quand il s’agit de guerre. Chacun illustrera les deux faces de l’alternative par les héros (ou les antihéros) de son choix.

Ce que je voudrais d’abord montrer ici, c’est que ces deux discours (dont aucun n’est en soi ni militariste ni pacifiste) répondent à deux questions, à deux défis différents et même contraires. Le postulat du premier est que seul le libéralisme planétaire est de taille à renverser les dictatures, la clôture des Etats policiers (souvent protectionnistes). Le postulat du second, c’est que la défense du pré carré national est le seul lieu de résistance irréductible contre le rouleau compresseur du marché mondial (marché vecteur d’asservissement politique et culturel). Or ces deux discours, parce qu’ils ont des effets pervers symétriques, font cercle et s’appuient l’un sur l’autre.

Contre le premier (le discours « libéral »), il faut négliger le bruit fait par tous ceux qui ont poussé à la guerre et qui, il n’y a pas dix mois, prétendaient que l’ère des guerres était achevée, dépassée par la logique économique de l’échange[1]. Comme si les deux processus ne croissaient pas ensemble ! La guerre, ce n’est pas fini, donc. Une bonne armée peut détrôner le roi du pétrole, et pour lui rendre son trône, il faudra une armée plus puissante encore. C’est un des lieux du problème, car en ce sens-là c’est toujours la logique de guerre la plus puissante qui gagne. Le problème est ainsi de savoir ce que pourrait être une forme de guerre spécifique aux « démocraties »: où une démocratie en guerre ne ferait pas le contraire de ce qu’elle dit défendre.

On dit : « Contre Hitler vous faites quoi ? »[2] Mais la question est agaçante, dans les mêmes bouches qui proclamaient il y a peu la fin des guerres et vantaient le commerce mondial (y compris des armes)! Le système du marché, qui a si fortement contribué à l’équipement militaire des différents protagonistes (en armes conventionnelles ou non), a besoin d’une armée pour le protéger du désordre. Mais dans le même temps ces puissances économiques continuent de vendre à l’Irak des composants chimiques ou militaires (par crainte peut-être de perdre des marchés fructueux). Et c’est pourquoi l’embargo est réputé ne pas pouvoir marcher ! Ainsi le libéralisme n’est-il pas capable d’observer les garde-fous qui ont pourtant pour lui un caractère vital[3].

La naïveté de croire que l’âge du marché planétaire chasse celui des guerres, se redouble de la naïveté, du côté « nationaliste » de l’alternative, de croire que l’on puisse, en un temps où la même loi planétaire de l’échange brasse les populations et les intérêts à un point où nous sommes tous les otages de tous, mener une guerre comme jadis, en se représentant la nation comme un corps à défendre (et d’abord à défendre contre des anticorps). Alors que ce sont ces guerres qui paradoxalement ont brisé les vieux systèmes de défense, déplacé et brassé les populations, rendu inextricable la carte des « nationalités ». Pour l’expression nécessaire de nos conflits, nous avons à inventer de toutes nouvelles formes de guerre et de stratégie.

En fait la guerre développe sa logique autonome sous les deux modalités concomitantes de l’imposabilité des progrès techniques par la loi de l’échange, et de la protection du corps social galvanisé par la défense de la nation. Technocratie et tribalismes se renforcent. On peut même dire, contrairement à un préjugé commun, que l’autoritarisme national et le libéralisme économique se combinent très bien, et représentent la forme stable des systèmes sociaux actuels.

Pour ceux qui, comme moi, jugent invraisemblable la résolution de tous les conflits sur le seul plan de la concurrence économique (car l’échange planétaire a besoin d’inégalités), et qui jugent impraticable l’expression des conflits par le jeu des nations (qui ne sont plus à l’échelle de la complexité et de l’ampleur des contradictions réelles entre les divers intérêts et droits), que reste-t-il ?

Il faut récuser le face à face entre l’unification du marché seul garant de l’ordre planétaire et la balkanisation des nations seules garantes du droit à la différence. Il reste donc à organiser les théâtres ou les organes de conflits politiques à l’échelle planétaire, en refusant que les états-nations en fassent leur monopole ; et à pluraliser le marché, afin que celui-ci épouse de manière plus respectueuse la diversité régionale des intérêts et de leurs conflits.

La guerre et le refus des conflits

Dans un deuxième temps, nous voudrions écarter une autre alternative, celle entre les obligations réalistes de l’ordre international et les rêveries des pacifistes. Une première remarque : au coeur de l’argument de l’ordre « onusien » international, il y a l’idée (qui ferait sourire le pacifiste le plus naïf) qu’une fois cet ordre rétabli sur un cas, l’acte international fera jurisprudence, que l’on obligera la Syrie à laisser le Liban, Israël les territoires occupés, etc. Mais pour obtenir une coalition d’intérêts aussi divergents, le « sheriff » international n’a-t-il pas dû prendre des engagements contradictoires, y compris avec d’autres fauteurs de troubles ? Ne fallait-il pas justement assurer que cette action n’aurait pas de suites ?!

Peut-être, me dira-t-on, aurait-il fallu intervenir avant, ou arrêter plus tôt le commerce des armes, bref changer le système ! Mais en attendant, et puisqu’il est trop tard, maintenant que feriez-vous ? Qu’auriez-vous fait ? Auriez-vous préféré que l’on rende les armes devant un petit dictateur qui essaye ses muscles sur tout ce qui passe à sa portée? Ne fallait-il pas défendre le droit international, empêcher une puissance aussi instable de détenir le cinquième du pétrole mondial, arrêter une accumulation militaire en passe de devenir vraiment dangereuse ?

Mais la même guerre ne peut pas prétendre sérieusement donner une solution à tous ces problèmes. Pour n’en rester qu’à ces motifs explicites, s’il s’agit d’abattre un dictateur fou, de briser un monopole, de rétablir une souveraineté, la stratégie n’est pas la même. Et pour prendre l’un des motifs implicites, Israël devrait être inquiet que sa défense coïncide si exactement avec la maîtrise occidentale du pétrole.

Pour le dire d’un mot, ce que je reproche à cette guerre, c’est sa « simplicité ». Non pas que la complexité des problèmes (ceux qui viennent d’être évoqués et bien d’autres encore) soit pacifiable ; je ne le crois pas. Cette complexité est probablement intraitable sur une table de négociations ; et encore moins sur une seule table. Mais justement il semble que cette guerre soit plus faite pour dissoudre les difficultés que pour les résoudre, pour liquider les différents conflits que pour les confronter, à leur échelle chacun dans une géographie des conflits.

Bref, je reproche à l’intervention occidentale son pacifisme ! Précisément, sa volonté de « pacifier ». Ce n’est pas un jeu de mots. Ceux qui justifient cette guerre par la défense du droit, et qui reprochent aux pacifistes une « éthique de conviction » irresponsable quant aux conséquences de ce qu’elle laisserait faire (reproche légitime), ne perçoivent pas à quel point ils sont semblables à leurs adversaires. Je ne parlerai pas du scandale de l’unanimité obligée des partis politiques en France : ce n’est pas même le refus des « guerres de religion », c’est le refus de tout conflit, de tout débat, qui est en train de devenir la religion française, son nouveau « catholicisme ».

Car la « responsabilité » serait de tenir compte des résultats de ce qu’on fait, et aussi de ce qu’on dit faire. Le grand discours occidental, sur le droit international, comme sur les droits de l’homme, la démocratie, etc., qui est chez nous le résultat d’un travail modeste, patient, pour établir les règles minimales d’une existence commune possible, est brandi et perçu ailleurs comme une idéologie de conquête maximale. Et même si ce n’est pas le cas nous ne faisons rien pour le montrer : au contraire, nous l’exposons en miroir à un Islam réactionnaire. Ainsi perçu comme la justification du maintien de notre ordre, son universalisme n’est pas moins maximaliste que celui de l’Islam de conquête qui s’y oppose.

Que pouvions-nous faire de mieux, pour Saddam Hussein, que de présenter l’étendard occidental uni du droit et de la démocratie ! Quand on dit : il ne faut pas le laisser enfoncer un coin dans la coalition alliée, on saute à deux pieds dans le piège qu’il nous a tendu. Comment ne voyons-nous pas qu’il fallait coaguler l’Occident pour que le monde arabe soit obligé de coaguler derrière Saddam Hussein ? Comment ne voyons-nous pas que cet étendard suffit à dresser contre l’Occident et à unifier entre elles des populations diverses aux intérêts contradictoires ?

Peut-être est-ce le propre de la logique de guerre que ce manichéisme, qui télescope tous les conflits, tous les problèmes, sur un seul plan, et les réduit à un seul et massif affrontement. La guerre n’est pas, comme le disait Clausewitz, la continuation de la politique par d’autres moyens, c’est beaucoup plus généralement la continuation de l' »échange » sous d’autres formes, qui ne sont jamais simplement des moyens. Mais ce qu’observe ainsi Clausewitz, c’est que la guerre est la projection, sur le seul plan de l’affrontement militaire (les moyens), d’une pluralité de buts (politiques, économiques, idéologiques, etc.) hétérogènes. Or nous ne croyons plus qu’une telle pluralité de buts puisse être poursuivie sur le plan d’un affrontement national (ou inter national) aussi simpliste.

Les victimes de ce manichéisme seront le monde arabe et l’Europe, des deux côtés de cette Méditerranée qui est leur « frontière de civilisation », et sur laquelle se définissent leurs identités respectives. Que deviendrons-nous quand la charnière méditerranéenne ne sera plus qu’un axe pourri, une frontière morte ou mortifère ? Qu’y gagnerons-nous en stabilité de la carte mondiale ? Ne nous faut-il pas plutôt ouvrir une multiplicité de conflits qui respectent la diversité des échelles et des types d’intérêts en présence ?

Le manichéisme secrété par la logique de guerre, comme un nuage d’illusion collective, masque la complexité des vrais conflits, des vraies questions. En soulevant tout ce « bruit » on peut même dire qu’il les complique davantage, et les rend inabordables pour longtemps. Peut-être une société a-t-elle besoin de ce rêve collectif, qui lui permet de se refaire une identité contre l' »autre » (par exclusion ou par miroir). Mais il faut le dire, quoi que tentent nos « politiques », ni le monde arabe, ni L’Europe ne peuvent naître d’un conflit à ce point incompatible avec leur complexité[4].

Inventer la guerre pluraliste

On dit que tout le monde va perdre à une telle guerre : mais c’est peut-être la fonction de toute guerre que cette dépense générale, cette « perte », sous forme de chaleur gaspillée, d’une énergie incapable de se dépenser de manière plus « différenciée ». Serait-il possible d’imaginer une autre sorte de guerre ? Observons d’abord qu’avec cette guerre, nous expérimentons peut-être une crise générale de la pensée stratégique. Déjà nous savions que les conflits nucléaires, de haute intensité, n’étaient pas « gagnables » (sinon par le biais de leur coût économique). Nous commençons aussi à réaliser que les conduites de guerre de basse intensité, genre terrorisme, ne sont pas non plus « gagnables » : pas même perdables, elles sont plutôt des conduites symboliques, expressives de détresses (leur existence stratégique ne tient qu’aux média).

Il restait à montrer que les conflits de moyenne intensité, du genre de cette guerre, n’étaient pas non plus gagnables. Non au niveau de l’épreuve de force, mais au niveau des buts poursuivis par cette « dépense ». Si notre analyse est globalement exacte, il ne peut plus en être autrement, puisque la guerre est devenue le refus d’affronter les conflits, d’adopter une stratégie pluralisée à l’échelle de chacun d’eux.

Cet argument nous pouvons aussi bien le soutenir à propos de la forme du « droit » que nous devons inventer, et de la forme de justice économique planétaire, qu’à propos des formes de guerre qui seraient compatibles avec le combat démocratique.

Un des grands scandales de l’affaire actuelle, c’est le risque pris par l’Occident de rendre le principe du droit international non crédible, alors que là réside le vrai problème : il faudra bien organiser les rapports de force, de telle sorte que ceux-ci exposent les conflits et contradictions réels, détachés du « bruit » qui les entoure. Il n’y a pas de « force » qui soit bonne en soi : il y a seulement de plus ou moins bons rapports de force. Un bon rapport de force est celui qui tient compte des divers intérêts en présence, et qui cherche ainsi à régler le conflit. Le mauvais rapport de force est celui qui prétend faire la synthèse du conflit, et qui le supprime. Le droit qu’il nous faut chercher commence avec le conflit entre plusieurs droits légitimes, et incompatibles ; éventuellement sur le même territoire.

On dit que le maintien de l’ordre international est préférable au désordre généralisé qui résulterait d’une pure et simple capitulation devant une violation de cet ordre. On va même jusqu’à accepter de soutenir cet argument au cas où l’ordre mondial ne serait que l’ordre colonial d’un partage, du partage des vainqueurs. Mais le coeur de cet argument en désigne les limites : il faut que cet ordre des vainqueurs demeure plus avantageux que le désordre pour les populations les plus désavantagées. Or là aussi il y a pluralité, car les avantages et les désavantages ne se mesurent pas sur une seule échelle : les richesses, la sécurité, la dignité, la citoyenneté, les emplois, le cadre de vie, etc., sont autant d’échelles qui rendent le problème complexe. Tout ne peut pas s’acheter, ni être réglé par la monnaie de l’offre et de la demande.

De la même manière enfin il nous faut reprendre le vieux problème de la guerre internationaliste, de la guerre révolutionnaire : comment ouvrir un autre front, brisant l’affrontement des impérialismes qui envoient leurs soldats (c’est-à-dire leurs chômeurs) à la conquête ou à la mort ? L’échec de la stratégie communiste, là encore, tient à son postulat d’une possible société sans contradiction, sans guerre. Sans cette critique, la militarisation des communismes ne pouvait que se replier en nationalismes exacerbés. Ce qu’il nous faut accepter, c’est que certains conflits ne sont pas négociables, que l’affrontement seul peut modifier les forces en présence pour leur rendre acceptable le sacrifice de certaines prétentions exclusives. Mais l’agir conflictuel doit rester de part en part pluraliste : adopter la pluralité stratégique conforme aux types et aux échelles de conflit, maintenir sans cesse un débat sur les formes et les buts de guerre de manière à ce que l’affrontement soit « perdable » (et donc gagnable), et puisse aboutir à une modification des prétentions, etc. Bref, pour les démocraties, la guerre est encore à inventer.

Je ne voudrais pas conclure sans parler de l' »amour des ennemis » dont il est question dans le Sermon sur la montagne. Car cette expression suppose d’abord qu’il y a des ennemis, elle ne nie pas la guerre et l’inimitié. Pour l’interpréter dans notre contexte, il faut donc se pencher sur ce que c’est qu’un ennemi, et sur notre conduite à son égard.

D’abord de manière toute limitative, j’interpréterai l’amour des ennemis comme une conduite à la hauteur de l’irréversible. Il y a dans le phénomène de la guerre une expérimentation à grande échelle de l’irréversible. Comme si, à partir du moment où l’on ne maîtrise plus l’irréversible, on en rajoutait. En termes de victimisation, il se produit la chose suivante : que lorsqu’on a commencé à faire du mal, on préfère se donner les raisons d’en faire plus encore, plutôt que d’arrêter. La Rochefoucauld écrit que l' »on déteste ceux à qui on a fait du mal ». Ainsi le mal fait toujours un peu plus de « bruit » encore que de mal, mais ce bruit même nous entraîne à faire du mal en plus. L’amour des ennemis réside ici dans cette rupture de l’irréversible, par laquelle nous refusons de haïr l’ennemi au-delà du mal que nous lui faisons.

Ensuite, de manière toute positive, j’interpréterai l’obligation d’aimer ses ennemis comme une stratégie, au sens fort du terme : la meilleure conduite devant un ennemi, c’est de chercher à le « comprendre » (et si possible mieux qu’il ne nous comprend)! Or comprendre l’ennemi, cela ne veut pas seulement dire connaître ses plans ni même ses objectifs : cela veut dire comprendre que cet ennemi puisse avoir des amis ; il s’agit donc de comprendre les amis de nos ennemis, et c’est souvent bien plus difficile que de comprendre l’ennemi lui-même.

Olivier Abel

Publié dans Autres Temps n°28 Mars 1991.

Notes :

[1] C’est d’ailleurs cet agacement qui m’avait conduit, au printemps 1990, à choisir pour ce semestre d’automne-hiver la « guerre » comme thème du cours d’éthique à la Faculté Protestante.

[2] On évoque aussi Munich, et la nécessité de faire une guerre préventive. Si on aime les symboles, ce n’est pas Munich qui a engendré Hitler et les autres génocides du siècle, c’est le démembrement des Empires centraux et ottoman en nations rivales, c’est Versailles, l’humiliation méthodique. Quelle qu’elle soit, la paix que nous allons imposer risque d’être le Versailles du Proche Orient. Par ailleurs, comme le dit le polémologue Gaston Bouthoul, la guerre préventive n’existe pas, c’est toujours la guerre qu’il aurait fallu faire avant. Ici, quand Saddam Hussein a ignoblement gazé les Kurdes, et que personne n’a bronché. Et pourquoi pas quand il a envahi l’Iran ? L’Occident n’a-t-il pas, en le soutenant alors massivement, paniqué bêtement devant la révolution iranienne ? Bien des connaisseurs de la région le disaient, qui n’ont jamais été écoutés. On a parlé de l’incapacité des démocraties devant les régimes despotiques : mais les paniques médiatiques sont les véritables manifestations de faiblesse des démocraties.

[3] A propos d’intérêt vital, il ne faut pas oublier que c’est aussi pour que les américains et nous puissions continuer à rouler sur nos autoroutes à un prix dérisoire que nous sommes prêts à nous battre, c’est à dire à tuer. Des Eglises américaines ont eu le courage de demander à leurs fidèles de renoncer symboliquement à la voiture dans tous leurs déplacements du week-end. Elles mettent ainsi le doigt, dans nos formes de vie et de société, sur le fait que nous sommes dans un état de « dépendance » (au sens où l’on parle de dépendance pour un drogué) tel que nous ne pouvons pas lever le nez de notre besoin immédiat. Or une augmentation considérable du prix du pétrole serait peut-être une occasion inespérée de modifier les structures de notre développement et d’imposer aux populations riches une autre conduite énergétique, elle aussi indispensable à notre survie.

[4] Par contre il est possible que les sociétés arabes soient désormais dans l’obligation d’inventer une démocratie autonomisée par rapport au modèle occidental de démocratie. Ce serait paradoxalement un résultat inespéré de cette crise.