Calvin selon Hobbes et selon Milton

Dans la bande dessinée de l’américain Bill Watterson[1], Calvin est un petit garçon et Hobbes son tigre en peluche. Ils ont pourtant des conversations qui ne manquent pas de sel philosophique, sur la nature humaine, la possibilité de faire sécession, l’hypothèse d’un dieu que « les petits habitants de la terre ennuient » ; et les allusions à Emerson ne sont pas rares. Il en est de même dans l’histoire des idées politiques qui inaugurent la modernité : c’est avec Calvin que Hobbes est en discussion, et avec l’interprétation de Calvin par les puritains révolutionnaires. Et si au premier abord tout semble opposer le Réformateur français et le philosophe anglais, la réception du premier par le second est décisive si l’on veut comprendre la pensée politique moderne. De Hobbes à Rousseau en passant par Milton, Pufendorf, Grotius, Locke, Bayle, Montesquieu, et bien d’autres encore, Calvin est au moins aussi important que Machiavel, et c’est bien autant par rapport à lui que tous se déterminent.

Ce sera mon propos dans les lignes qui suivent que de remettre Calvin à l’étude sous d’autres angles que ceux dans lesquels il a été confiné. On ne saurait réduire le Réformateur à ce qu’il est devenu dans le calvinisme. C’est en travaillant Bayle que j’en suis venu à l’hypothèse que je formule ici, car l’intelligence de Bayle est de ne pas enfermer Calvin dans l’orthodoxie calviniste (laquelle ?) : chez Calvin lui-même, nous trouvons une grande amplitude de variations et d’écarts, qui ont autorisé par la suite de vifs conflits d’interprétation, et l’héritage de Calvin se situe bien autant dans les hétérodoxies et les variations que sa pensée a suscitées que dans des orthodoxies un peu calcifiées ! Or, Bayle fait une grande place à deux de ces lectures hétérodoxes, celle de Hobbes et celle de Milton, qui s’opposent mais qu’il prend ensemble, comme s’il fallait répondre simultanément sur ces deux bords, montrant ainsi l’ampleur du registre que le Réformateur avait ouvert.

L’Institution de la religion chrétienne, rédigée par un humaniste de vingt-cinq ans qui n’avait jusque là publié qu’un commentaire du De Clementia de Sénèque, et qui quittait résolument une France secouée par la première vague de persécutions religieuses, révolté par la justification théologique que l’on en donnait, fut publiée à Bâle en 1536 avec une superbe préface adressée à François Ier. Il glisse ainsi un grain de sable dans la logique du Cujus regio, ejus religio, en soutenant que l’existence des protestants français n’était pas une menace pour le Royaume. L’Institution comporte un chapitre sur « le gouvernement civil »[2], soigneusement distingué de « la puissance ecclésiastique », et qui propose une théorie du politique originale, que nous allons détailler plus loin. Mais auparavant il n’est pas inutile de rappeler deux ou trois préalables, autour du rapport entre la pensée et l’action, du rapport entre le droit et la théologie, et du statut des Écritures.

1. La cité de Calvin.

Calvin et l’action.

Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut d’abord noter qu’à la différence d’Érasme, de Melanchthon et même de Luther, et contrairement à son propre souhait de « rester recoi » et voué à ses chères études, Calvin n’a pas été seulement un intellectuel en chambre. Ce fut un homme d’action, un chef de parti, un stratège, un législateur, engagé malgré lui dans les conflits de plus en plus sombres qui marquent le tournant de ce XVIe siècle pourtant commencé avec tant de confiance, de promesses heureuses et nouvelles.

Quand on lit l’Institution, on sent un livre tranquille et sûr de lui, qui se place dans le camp du rire et du bon sens, un livre écrit avant le temps des guerres et du durcissement. À bien des égards, sur la question des mœurs, des coutumes ou des opinions, il suggère une ligne qui sera celle de Montaigne et de Descartes, celle d’une morale provisoire qui renonce à trancher sur le fond : « […] nous avons à suivre la coutume et les lois du pays où nous vivons », écrit-il[3] – sauf bien sûr lorsqu’elles nous obligent à l’idolâtrie, à des pratiques superstitieuses, à une religion dévoyée. C’est justement parce que les fondements de la cité ont été ébranlés, et qu’ils ne reposent plus sur une hiérarchie divine, qu’ils sont fragiles et placés sous notre responsabilité. Et bien plus tard encore, en pleine tourmente, dans ses lettres aux rois, aux reines et aux grands magistrats, c’est le même souci de respecter l’ordre public, de lui accorder toute l’autorité nécessaire, qui frappe. Il écrit à l’amiral de Coligny, au duc de Condé, au roi de Navarre, au duc de Soubise de ne pas laisser croire que la réforme religieuse conduit à la sédition, et ne cesse de rappeler l’importance de la soumission aux autorités établies.

Pour comprendre son action et sa pensée, il faut donc sentir les tensions entre la théorie et la pratique, entre la véhémence des convictions et le sens des responsabilités. Il faut sentir le contexte d’enthousiasme, d’incroyable audace, mais aussi de panique, d’effrayante intolérance. Il faut sentir la puissance de l’étau qui cherche à étouffer la Réforme naissante, et cette petite ville coincée à la charnière de blocs hostiles. Il ne s’agit donc pas ici de brosser le portrait moderne, libéral, démocratique, et gentillet du Réformateur en pasteur végétarien. Mais de comprendre en quoi la Genève de 1550 n’est pas une « Calvingrad » glaciaire, mais un volcan, une ville en état de révolution, portée par un enthousiasme que renouvellent et renforcent d’année en année les exilés, réfugiés de toute l’Europe, qui rejoignent la ville Refuge. C’est aussi qu’il a fallu des dogmes et des institutions très solides pour canaliser cette énergie, et quand elle n’y est plus on ne comprend pas comment on a pu avoir besoin de canalisations aussi contraignantes, ni l’énergie qu’il a fallu pour briser les liens de l’ancien monde et instaurer nos tranquilles libertés.

Calvin législateur.

On le sait, Calvin est d’abord un juriste, formé à l’école d’Orléans et de Bourges, au long de ce val de Loire qui est à l’époque le cœur de la France – lui-même vient de Noyon, c’est un picard. Le fait même qu’il ne soit pas théologien de formation mais juriste soulève d’ailleurs à son encontre un soupçon de « légalisme » : il aurait juridicisé la théologie, et théologisé le juridique. Mais quand on lit Calvin, on trouve au contraire un tout nouveau rapport au juridique et aux « règles judiciales » : le droit est flexible, il exerce le sens de l’interprétation multiple autant que celui des limites et des délimitations exactes. La religion n’a pas à se faire législatrice de la cité humaine et inversement la magistrat n’a pas à se mêler des affaires de l’Église.

Dans les années 1540, la République de Genève demande à Calvin de conduire la refonte du code civil et pénal. Quoique étranger (puisqu’il n’obtiendra la citoyenneté genevoise que quelques années avant sa mort), il est appelé en tant que juriste à faire un travail législatif de refonte du code civil et pénal. Il rédige notamment pour Genève des ordonnances originales sur les punitions et le droit pénal, et d’autres sur le mariage. Ce dernier n’est plus pour lui un sacrement de l’Église. Et s’il est bon que le magistrat consulte le pasteur, le mariage relève en dernière instance du pouvoir civil : « […] parce que ce n’est pas matière spirituelle, mais mêlée avec la politique, nous remettons cela à MM. [des Conseils] ». Dans une ville où affluent des exilés qui ont souvent dû rompre avec leur famille (ou qui en ont été chassés), Calvin autorise d’ailleurs le divorce, ainsi que le remariage, notamment quand la religion sépare les époux. Et « il faut noter que les deux parties ont semblable liberté ou privilège en ceci, comme aussi il y a égale et mutuelle promesse de loyauté et fidélité l’un à l’autre », écrit Calvin dans son commentaire de l’Évangile de Matthieu[4]. Nous ne mesurons pas la radicalité de l’invention du divorce, et de l’affirmation de l’égalité de l’homme et de la femme qui se glisse ici. Le mariage n’est plus comme chez saint Paul un moindre mal, mais un vœu de Dieu pour les humains : il n’est pas bon d’être seul[5]. Cette alliance voulue par Dieu est plus forte que la nature, plus forte que le droit : nul ne peut se séparer de sa femme sans se mettre lui-même en pièce, écrit-il, serait-elle lépreuse[6].

Le statut des Écritures.

Dernier des préalables à notre question de la pensée politique de Calvin, celle du statut des Écritures, où les effets involontaires du théologique sur le politique peuvent être immenses. La Réforme propose à tous l’accès direct au texte, et donc à la source d’autorité, et tous deviennent interprètes. Mais la Bible devient ainsi une puissance dangereuse, car avec elle on peut tout justifier, et tout démolir. Telle est la délicate question du statut des Écritures, face à laquelle Hobbes, Spinoza, ou Bayle proposeront diverses issues.

Et Calvin le premier doit instituer ce large accès aux Écritures, entendues non plus comme tradition orale mais comme texte, sans prêter à ce genre de dérives. D’où la rigueur avec laquelle il refuse toute superstition des signes, qu’il s’agisse des sacrements ou des textes, qui ne contiennent pas « ès syllabes » « quelque majesté enclose »[7]. C’est ainsi qu’il faut respecter l’épaisseur littéraire des textes dans leur langue d’origine, en mobilisant ces compétences en « humanités » que sont les pasteurs. C’est pourquoi Calvin donne une telle importance, non seulement à la formation des « ministres de la parole » (c’est ainsi que l’on appelle les pasteurs, et plusieurs dizaines quittent chaque année Genève), mais à la formation de tous : l’école devient obligatoire et même gratuite pour les enfants pauvres, Genève toute entière devient une Cité-école, une communauté d’interprètes.

Quand on lit les commentaires bibliques de Calvin, qui forment une part dix fois plus importante de son œuvre que l’Institution, même remaniée et augmentée comme elle l’a été jusqu’à sa mort, on s’aperçoit, contrairement à l’image que nous en avons, qu’il n’y a pas pour Calvin une seule interprétation du texte qui serait la bonne, qui serait la sienne et qui serait la vérité. Il se méfie de tous ceux qui se disent prophètes, et il est remarquable qu’il n’ait justement jamais commenté le Livre de l’Apocalypse. À Genève, la compagnie des pasteurs organise la disputation sur le sens des textes, le dissensus autorisé. Mais c’est justement le rôle de l’Institution que de nous faire accepter que nous sommes des écoliers, qui doivent être formés et institués, et qui ne peuvent pas laisser leurs interprétations des Écritures divaguer toutes seules : comme j’aime à le dire, elles doivent différer ensemble, et l’institution donne le cadre et les limites de cette variation sur un texte commun.

Bref, la parole de Dieu dépasse les capacités de nos oreilles. C’est pourquoi il faut former des auditeurs, des interprètes capables de recevoir. Non pas des interprètes crédules, mais des interprètes crédibles, connaissant les langues d’origine, les textes et leurs contextes d’énonciation. Et surtout des interprètes un peu adultes qui ne s’arrêtent pas à la lettre, qui aillent droit à l’essentiel : à ce que le texte fait sentir, fait faire, fait dire à son récepteur, sobrement, modestement, maintenant, dans le contexte où il se trouve. Les Écritures autorisent la parole. Elles ne sont pas magiques, elles sont pragmatiques. Et l’interprétation du texte n’est pas allégorique, elle est éthique : qu’est-ce que nous en faisons dans notre vie ? qu’est-ce que ça nous fait ?

2. La rupture théologico-politique, côté Hobbes.

L’articulation des deux régimes.

Ces deux ou trois éléments préalables disposés, nous pouvons en venir au cœur de notre sujet. C’est que la Réforme est contemporaine d’une grave crise de légitimité, et que Calvin, comme Hobbes plus tard, se bat simultanément sur deux fronts : celui de l’Église romaine, qui prétend avoir le monopole de l’interprétation par la médiation de la tradition instituée ; celui des sectes anabaptistes et autres dissidents, qui donnent à tous les individus inspirés le droit d’interpréter.

La doctrine calvinienne du politique s’appuie sur la théorie luthérienne des deux règnes : « […] il y a double régime en l’homme. L’un est spirituel, par lequel la conscience est instruite et enseignée des choses de Dieu et de ce qui appartient à la piété. L’autre est politique ou civil, par lequel l’homme est enseigné des offices d’humanité et civilité qu’il faut garder entre les hommes […]. Il y a comme deux mondes en l’homme, lesquels se peuvent gouverner et par divers rois et par diverses lois. Cette distinction sera pour nous avertir que ce que l’Évangile enseigne de la liberté spirituelle, que nous ne le tirions point contre droit et raison à la police terrestre, comme si les chrétiens ne devaient point être sujets aux lois humaines »[8].

Cette thèse ancienne est ici particulièrement réaffirmée, avec Luther, contre les Anabaptistes, qui, à l’exemple de Müntzer, ont cru pouvoir abolir l’écart entre la cité humaine et la cité de Dieu, et se placer directement sous le règne de Dieu. Or, le résultat serait inverse, une « barbarie inhumaine »[9]. C’est justement parce qu’il faut que le Magistrat soit légitimement établi que nous devons distinguer une violence légitime. Sans l’ordre public, les humains seraient encore plus méchants. « Les Magistrats sont constitués protecteurs et conservateurs de la tranquillité, honnêteté, innocence et modestie publique » et « se doivent employer à maintenir le salut et la paix commune à tous »[10]. Ces thèses de l’Institution se retrouvent dans les sermons, où les lois civiles sont « comme des barres, afin que si notre cœur est mauvais, les mains soient retenues », ainsi que Calvin l’écrit dans son cent-douzième sermon sur le Deutéronome[11].

Mais Calvin infléchit encore la séparation luthérienne des deux régimes en prenant appui sur la distinction dans la loi entre loi morale, loi cérémoniale et loi judiciale. La coupure ne passe plus ici entre l’homme intérieur ou spirituel et l’homme extérieur ou politique, mais entre ce qui de la loi ne passe pas et qui appelle à l’amour de Dieu et du prochain, et ce qui des lois varie selon les temps et les lieux, et qui se trouve ainsi historicisé et relativisé.

Les régimes politiques varient, et il ne faudrait pas les comparer « sans leurs circonstances […] ; que nous jetions la vue sur divers pays, certainement nous trouverons que cela ne s’est pas fait sans la providence de Dieu que certaines régions fussent gouvernées par diverses manières de polices. Car comme les éléments ne se peuvent entretenir, sinon par une proportion et température inégale, aussi les polices ne se peuvent pas bien entretenir sinon par certaine inéqualité »[12]. Les lois de chaque pays ne sont jamais meilleures dans l’absolu, « mais selon la condition et circonstance du temps, du lieu et de la nation »[13]. L’État est une affaire humaine, et il doit être respecté dans sa rationalité spécifique.

C’est sur cette ligne que l’on trouve Hobbes, et le Bayle de l’Avis aux réfugiés, qui recommande aux huguenots persécutés et exilés par la révocation de l’Édit de Nantes de ne pas appeler à la sédition contre Louis XIV[14]. Ce respect des autorités civiles dans leur ordre propre fonde donc un loyalisme et un certain conservatisme politique. Calvin est un homme d’ordre ; il a vu en Allemagne les dégâts d’un ordre politique trop ébranlé, et il redoute plus que tout des troubles semblables en France. C’est pourquoi, tout en le désacralisant, en le détricotant de l’ordre religieux, il sanctifie l’ordre politique dans son registre propre sous le mandat divin de développer son espace spécifique de responsabilité.

De Machiavel à Hobbes.

Calvin ne cesse de protester contre les débordements politiques de la papauté et contre les débordements ecclésiastiques des magistrats. C’est ici que le Réformateur se trouve sur les mêmes lignes fondamentales que Machiavel, moins cependant par la conquête de l’autonomie du politique contre la religion que par un formidable dessaisissement théologique du politique. Machiavel défend en effet l’autonomie du politique face à l’Église, la religion étant au mieux un appareil idéologique plus ou moins apte à forger une morale civique. Calvin défend surtout l’autonomie de l’Église face au magistrat : au mieux, ce dernier représente un appareil juridique plus ou moins capable de favoriser l’Église. Mais il ne doit pas interférer avec la discipline proprement ecclésiastique : le Consistoire a le droit d’excommunier (de refuser à la communion, à la Cène), sans qu’interfère le pouvoir politique. Ce sera l’essentiel du combat de Calvin à Genève, que de défendre les prérogatives de l’Église dans les questions « intérieures » de discipline ecclésiastique.

La principale différence, c’est que, partant du même constat de fragilité du politique, Calvin affirme davantage que Machiavel la consistance du politique et la nécessité de l’institution, c’est-à-dire la nécessité de penser la différence entre le magistrat et le tyran. C’est aussi sa différence d’avec Luther : l’État ne saurait être réduit à un mal provisoire et nécessaire, il a son ordre propre, et Calvin déploie une vision positive du gouvernement civil. Il faut penser le magistrat dans sa rationalité propre, irréductible aux jeux de la force et du mensonge sur le clavier des passions humaines. Il faut penser ce qui maintient les autorités dans leur légitimité, et pas seulement la technique de l’accès au pouvoir. Pour Calvin, on vient de le voir, la communauté éthique est d’ailleurs la société instituante, et le politique comme l’ecclésial sont des formes de la société instituée.

C’est sans doute parce que Calvin ne raisonne pas en termes de moyens et de fins, qui viendraient justifier les moyens au nom d’un ordre supérieur, ou d’un intérêt plus puissant. C’est aussi qu’il a vu combien politiquement dangereuses, pour les autres et elles-mêmes, étaient des forces religieuses qui jettent dans la balance le salut des âmes ou l’obéissance à Dieu. Et contre les Anabaptistes, ses arguments seront plus tard ceux de Hobbes et de Spinoza[15] : « Car aucuns nient qu’une République soit bien ordonnée si, en délaissant la police de Moïse, elle est gouvernée par les communes Lois des autres nations. De laquelle opinion je laisse à penser combien elle est dangereuse et séditieuse »[16] ; et il poursuit : « […] liberté est laissée à toutes nations de se faire telles lois qu’ils aviseront leur être expédientes [= utiles] »[17].

Voilà pourquoi Hobbes peut écrire dans son Behemoth que d’anciens étudiants de Genève (il parle des presbytériens), revenus en Angleterre au temps de la reine Élisabeth Ire, « prétendaient non seulement à un droit divin, mais aussi à une inspiration divine. Ayant eu des complices et des appuis dans leur prédication fréquente, ils introduisirent de nombreuses doctrines étranges et séditieuses, prétendant dépasser la Réforme de Luther comme celle de Calvin »[18]. Et un peu plus loin, il loue le bon latin de Milton et de son adversaire Saumaise, mais se moque de leurs mauvais raisonnements[19]. Plus généralement, lorsque Hobbes s’inquiète d’une sorte de folie de la liberté religieuse, dangereuse à l’ordre politique, il se situe bien dans le sillage de Calvin, et semble critiquer une lecture dévoyée du Réformateur.

« Une exception, ou plutôt une règle ».

Fidèle à l’Épître aux Romains, ce dernier glisse cependant un grain de sable qui suffit à tout gâter – à reconstituer cette double allégeance qui scandalise la philosophie politique moderne, de Machiavel et Hobbes à Rousseau. « Mais en l’obéissance que nous avons enseignée être due aux supérieurs, il y doit avoir toujours une exception, ou plutôt une règle qui est à garder devant toute chose. C’est que telle obéissance ne nous détourne point de l’obéissance de celui sous la volonté duquel il est raisonnable que tous les désirs des Rois se contiennent, et que tous leurs commandements cèdent à son ordonnance, et que toute leur hautesse soit humiliée et abaissée sous sa majesté »[20]. L’exception est la place d’une règle supérieure, c’est la place du « souverain », et l’institution se définit ici sur sa limite. L’État n’est pas Dieu, et la désobéissance civile reste possible, de ne pas obéir aux ordres injustes, mais sans prendre les armes. Une autorité verticale est ici évoquée, qui vise à limiter le pouvoir politique autant qu’à le fonder, à l’autoriser au moment même où elle affirme son autonomie, à l’englober tout en respectant son ordre spécifique.

Tout se complique et se gâte, mais c’est justement là que cela devient vraiment intéressant pour la philosophie politique, par l’équilibre instable et toujours problématique ainsi obtenu. Comme si les inventions politiques de la modernité avaient dû proposer des réponses à cette équation épineuse. Car c’est bien le paradoxe de Calvin, que d’avoir proposé une transgression de l’ordre, mais pour établir un autre ordre : peut-on commencer une institution ? Il n’est pas sûr que nous soyons si éloignés que cela du problème hobbesien du théologico-politique, même si l’affirmation théologique de la totale altérité de Dieu, comme chez Karl Barth, fonctionne comme une limite à l’État : il y a un seul souverain absolu, tel qu’on n’en peut concevoir de plus grand, un seul souverain sans limite à son pouvoir, et c’est justement pourquoi il est capable de donner des limites aux royaumes humains. Il y a des manières de légitimer qui sont des manières de critiquer, de remettre à sa place, de limiter.

Mais il s’agit néanmoins encore d’une forme de légitimation de la souveraineté politique, comme s’il fallait définir le légitime pour pointer les dévoiements, ou comme s’il fallait que la souveraineté politique se dessaisisse du divin, se désabsolutise, pour trouver son ordre et sa constitution propre. Cette démarche sera encore celle de Karl Barth dans son commentaire au Römerbrief en 1919. On peut dire qu’ici tout le problème se concentre dans la question de l’obéissance et de la désobéissance, et c’est ainsi que nous glissons vers l’autre versant de notre propos.

3. Le droit de partir, côté Milton.

La désobéissance et l’exil.

La question de l’obéissance est en effet centrale dans notre sujet, elle est centrale chez Hobbes : comment fonder l’obligation d’obéir, et qu’est-ce que prier « Que ton règne vienne » ? Or, cette question apparaît en lien avec le paradigme biblique, qui raconte l’histoire d’une désobéissance fondatrice. Calvin, qui insiste sur cette capacité adulte à obéir librement, parle de « franc vouloir »[21]. Ce sera encore une idée commune à Hobbes et Milton, que pour pouvoir obéir il faut pouvoir désobéir. Pour Hobbes, l’homme garde le pouvoir de désobéir à Dieu jusque dans sa Toute-Puissance, et Paradise Lost de Milton est tout entier une épopée de la désobéissance. La différence est peut-être que Hobbes estime avec les doctrines absolutistes que la désobéissance et le nouveau pacte d’obéissance ont lieu une fois pour toutes, tandis que Milton estime avec les dissidents qu’ils doivent sans cesse être réitérés.

Hobbes a bien sûr une très mauvaise idée de Milton, l’auteur de La Charge des rois et des magistrats (The Tenure of Kings and Magistrates,1649). Dans ce texte fondamental de la Révolution anglaise, Milton appuie son argumentation en citant le commentaire du Livre de Daniel de Calvin contre les presbytériens : « En se soulevant contre Dieu, les princes de la terre se déposent eux-mêmes. Oui, il sont indignes de compter parmi les hommes. Il nous incombe plutôt de leur cracher sur la tête que de leur obéir »[22], et il conclut son pamphlet en notant avec Calvin qu’« un particulier n’a pas le droit de faire justice d’un roi cruel, mais un magistrat subalterne en a le droit »[23]. Calvin est donc bien l’objet d’un important conflit des interprétations.

De fait, dans sa postérité immédiate, qui illustre le problème théologico-politique de la première génération, il se trouve des monarchistes loyaux qui se feraient piler plutôt que d’oser se révolter, et des quasi républicains prêts au tyrannicide. Théodore de Bèze, le maître de la Réformation à Genève après la mort de Calvin, publie un traité Du droit des magistrats sur leurs sujets (1574), dont l’impression est d’ailleurs refusée par le Conseil de Genève, et où il dit que les magistrats tiennent leur pouvoir du peuple, qui ne peut se dessaisir au profit du prince que sous certaines conditions inaliénables, qui lui donnent un droit de résistance quand le prince outrepasse son droit. Et un haut fonctionnaire royal publie en 1579 sous le pseudonyme de Junius Brutus un traité De la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince. Tous ces pamphlets d’inspiration huguenote attestent d’une intense perplexité sur le politique. Calvin lui-même n’hésitait pas à penser le devoir des magistrats de rappeler au souverain ses limites : « […] s’il y avait en ce temps-ci des magistrats constitués pour la défense du peuple, pour réfréner la trop grande cupidité et licence des rois – comme anciennement les Lacédémoniens avaient ceux qu’ils appelaient Éphores, et les Romains, leurs défenseurs populaires, et les Athéniens leurs démarques, et comme sont, peut-être, aujourd’hui en chaque royaume les trois états quand ils sont assemblés – à ceux qui se seraient constitués en tel état, je leur défendrais si peu de s’opposer et résister à l’intempérance ou cruauté des rois, selon le devoir de leur office, que même s’ils dissimulaient, voyant que les rois désordonnément vexassent le pauvre populaire, j’estimerais devoir être accusée de parjure une telle dissimulation, par laquelle malicieusement ils trahiraient la liberté du peuple, de laquelle ils se devraient connaître être ordonnés tuteurs par le vouloir de Dieu »[24]. Dans le même temps, d’ailleurs, la rivalité des religions accélère l’apparition de magistrats intègres, au service de l’État, et certains d’entre eux comme Coligny ou Duplessis-Mornay sont déchirés entre les deux règnes qu’ils doivent respecter ensemble. L’exigence est d’énoncer publiquement sa protestation, son point de résistance, quitte à aller pour cela jusqu’au martyre. La fière harangue au Parlement et au Roi du Conseiller Anne du Bourg, en 1559, en est le modèle, qui se termine au bûcher.

L’alternative serait-elle de tuer ou de mourir, de se révolter ou d’accepter le martyre ? Peut-on réduire le politique à cette disjonction étroite ?C’est ici le point de bifurcation. Calvin invente une issue géniale à cette alternative effrayante. Le mieux est encore de s’exiler. Et l’exil, il connaît, c’est cela même qu’il cherche à organiser méthodiquement. D’abord, il connaît lui-même cette issue : il l’a pratiquée, il est délibérément sorti d’une France injuste. En explicitant son geste dans l’Institution de la religion chrétienne, il jette les bases d’une cité d’exode, d’une église d’exil, mais aussi d’une subjectivité d’exil, qui auront de grandes conséquences. Et lui qui dans ses courriers aux princes et aux grands appelle les « Magistrats » à tenir leur place en pleine responsabilité, dans ses courriers aux petits et persécutés, on le voit depuis Genève organiser cet exil massif, préparer l’accueil des réfugiés, aider les rescapés à s’établir dans leur nouvelle vie, etc. De fait, comme le remarque Marianne Carbonnier, ce fut le génie, peut-être involontaire, de la mouvance calviniste, que de savoir planter des églises de minorités capables d’inventer des rapports durables avec des autorités relevant d’autres confessions, ou d’établir des régimes relativement pluralistes pour leur temps.

Le libre-lien.

Cette affirmation du droit de partir, qui va ébranler peu à peu l’ordre ecclésial, l’ordre politique et même l’ordre conjugal, et dont nous ne mesurons sans doute pas à quel point elle était inouïe dans le monde de l’époque, repose sur plusieurs présuppositions dont nous pouvons examiner la genèse chez Calvin. La première est l’exigence de sincérité, de cohérence entre ce que l’on pense et ce que l’on dit, et le refus de ce que Calvin appelle le Nicodémisme, cette « hypocrisie » par laquelle, acquis intérieurement et spirituellement aux idées évangéliques, on s’arrange extérieurement du régime établi et de ses « idolâtries ». Ce refus oriente toute sa politique vis-à-vis de la situation française. Il vaut mieux l’exil que de se soumettre au prince qui voudrait nous forcer à pratiquer un culte superstitieux et impie. Ceux qui ont acquis la certitude de la grâce et la tranquillité de l’Évangile ne peuvent d’ailleurs qu’exciter contre eux la panique et la haine des papistes, et il vaut mieux se retirer un à un, jusqu’à ce que l’Église romaine soit vidée et s’effondre d’elle-même.

Il faut donc que la conscience sincère soit dotée d’un jugement libre, capable de rompre avec les conformismes et les soumissions au pouvoir établi lorsque celui-ci l’oblige à des actes injustes ou impies. « Or, puisque la Loi de Dieu, que nous appelons morale, n’est rien d’autre qu’un témoignage de la loi naturelle et de la conscience que notre Seigneur a imprimée au cœur de tous les hommes, il n’y a nul doute que cette équité dont nous parlons maintenant, ne soit en celle-ci parfaitement déclarée ; il convient donc que cette équité seule soit le but, la règle et la fin de toutes lois »[25]. La conscience est « comme une chose moyenne entre Dieu et les hommes, d’autant que les hommes, ayant une telle impression en leur cœur, ne peuvent pas effacer par oubli la connaissance qu’ils ont du bien et du mal, mais sont poursuivis jusqu’à ce qu’ils se rendent coupables quand ils ont offensé »[26].

Le geste de Calvin est donc encore une fois, après avoir remis à Dieu la seule souveraineté infinie, de revenir à nous, à la mesure de notre finitude et de nos capacités. Nul d’entre nous ne peut se poser en tiers absolu, puisque cette place est celle de Dieu seul, tout ce que nous pouvons c’est nous limiter et nous corriger mutuellement. Il vaut mieux la rupture et l’exil, pour reprendre nos liens librement, en toute sincérité. Il y a donc un minimalisme calvinien du politique comme de l’ecclésial, un nominalisme éthique assez radical : « […] estimer l’Église déjà sainte et immaculée, de laquelle les membres soient encore souillés et immondes, n’est-ce pas pure moquerie ? »[27]. On voit poindre ici une théorie nouvelle de l’institution.

Du même coup Calvin ne voit plus l’Église ni la Cité d’en haut, verticalement, mais d’en bas, de proche en proche, à partir de l’horizontalité des liens. Il n’y a pas d’entité supérieure, mais seulement des personnes. D’où un prodigieux effort de contrôle social, de partage équitable des tâches et des biens entre les membres de cette communauté éthique qu’est l’Église. Calvin, comme Pierre-François Moreau l’a relevé[28] et comme toutes ses activités politiques à Genève le montrent, a une vision très positive du lien social : le politique n’est pas seulement là pour entraver les méchants, comme un malheur nécessaire, mais « a été ordonné par Dieu pour le bien et profit du genre humain ». La visée d’un interdit comme « Tu ne tueras pas » est positivement invertie : « […] que nous aidions à conserver la vie de notre prochain par tous moyens qu’il nous sera possible »[29]. Et si la société est pensée comme une alliance, cela présuppose en chacun le désir communicatif de sortir de la solitude. Calvin écrit : « […] il nous faut confesser ce qui s’ensuit : c’est qu’en tant que l’homme est de nature compagnable, il est aussi enclin d’une affection naturelle à entretenir et à conserver société. Par suite, nous voyons qu’il y a quelques cogitations générales d’une honnêteté et ordre civil, imprimées en l’entendement de tous les hommes »[30].

Une épopée océanique.

La seconde présupposition est proprement théologique : le Dieu souverain est transcendant au monde, extérieur. C’est parce qu’il est hors du monde qu’il peut y venir librement. C’est parce qu’il est grand, lointain, et qu’il n’est pas enclos dans nos petites cérémonies humaines, que l’on peut partir, quitter, sortir, et être encore avec Dieu. Il faut songer ici à l’image que la Genève de Calvin donne d’elle-même comme d’une petite ville plantée comme un phare dans un océan hostile : post tenebras lux. Et plus encore au fait que le calvinisme a principalement marqué des pays maritimes. Peut-être est-ce parce que sur les océans il n’y a plus ni rois ni pape : il ne reste que Dieu. L’esthétique nouvelle est celle de la tempête où tout se délie. Du point de vue géo-politique comme du point de vue théo-politique, on est passé à l’océan. La souveraineté unique et transcendante de Dieu libère l’individu, lui permet de se délier pour contracter une alliance nouvelle, une libre alliance. L’appel à la conscience individuelle suscite des individus ainsi capables de s’exiler, de se soustraire aux liens traditionnels, pour aller fonder ailleurs, avec ceux qui librement y souscrivent, une Église nouvelle, une cité nouvelle.

Par son accent sur les thèmes de l’exil et de l’alliance, Calvin prépare toutes les philosophies du pacte social. Rompant avec la continuité sans hiatus de la fondation romaine, il retrouve le geste grec de l’institution comme refondation, qui sera au cœur du pacte démocratique des colonies puritaines – et même de l’histoire de la flibuste racontée par Daniel Defoe. La grande question politique devient « Comment rester ensemble ? » alors qu’on peut toujours partir, se délier. Et il faudra inventer des institutions capables de supporter davantage de dissensus, pour s’installer ensemble dans des désaccords durables. Si le risque de la Réforme calviniste est la secte, la facilité avec laquelle on se sépare, sa grandeur est d’avoir pensé le droit de partir comme condition du pouvoir de se lier.

Milton est ici exemplaire. Il trace les grandes lignes d’une pensée de la dissidence, celle des puritains Diggers qui refusent la propriété et les frontières, celle des Quakers qui demandent une tolérance religieuse sans entrave, mais aussi déjà celle des boucaniers des îles qui, à l’instar des anciens Grecs, et même si cela exige une dureté inédite, recommencent ailleurs une vie nouvelle sur une plage blanche. Avant d’écrire son Paradis perdu, au mitan du XVIIe siècle, le grand poète de la Révolution anglaise défend une liberté totale de la presse, de divorcer, de rompre avec le souverain politique et de rompre avec son Église. Cette généralisation du droit de partir est une des plus grandes inventions modernes. Mais il est important de pointer que, dans cette théologie, la liberté de partir, de quitter, de rompre, est corrélative et solidaire d’une liberté de prendre part, de refaire pacte et alliance, d’un droit de participer. Pour Milton, le libre partage des idées et l’abolition de toute censure sont la condition pour sortir de la minorité. La sortie du « Paradis perdu » figure cette épopée satanique, terrible mais nécessaire si Dieu veut être aimé librement : il n’est pas plus bon pour Dieu que pour l’homme d’être seul, l’un et l’autre ont besoin de conversation.

Ce schème de la rupture de l’ancienne alliance et de la reprise d’une alliance nouvelle, déjà au cœur de l’histoire de la Genève calviniste qui attirait des exilés volontaires, ne déplie donc pleinement ses conséquences qu’un siècle plus tard, avec la Révolution anglaise. Celle-ci, le plus souvent méconnue en France, où l’on confond l’épopée puritaine avec le moralisme bigot de l’époque victorienne, me semble la racine commune où l’on peut le mieux pointer à la fois la montée de l’État moderne tel que Hobbes le conçoit et la montée d’une tradition de la dissidence démocratique que l’on retrouve chez Emerson et Thoreau[31]. On ne peut pas comprendre le pacte sans le droit de partir, mais on ne comprend pas non plus la puissance des ruptures sans l’horizon de l’alliance.

Pour conclure sur l’ensemble de notre oscillation entre ces deux lectures de Calvin, nous pouvons dire qu’avec lui le Dieu-Volonté l’emporte sur le Dieu-Intelligence, et que le Dieu biblique qui apparaît alors n’est plus le Dieu rationnel des grandes synthèses médiévales : c’est un Dieu obscur, sinon capricieux. Le démantèlement d’un Logos monologique laisse la place à une forme de sujet, de souveraineté, de divinité, qui risque de retourner à l’informe, à la guerre perpétuelle. Ce sera exactement la question de Bayle, après avoir été celle de Hobbes et de Milton, mais aussi de Calvin lui-même : comment reconstruire une morale, une politique, une ecclésiologie, dans une telle situation d’ébranlement ? Il faut sans doute renoncer à trancher sur le fond entendu comme absolu, et reconquérir un modus vivendi dans le désordre même. D’où cette recherche de règles pragmatiques[32], c’est-à-dire réciproquables, par lesquelles Bayle, parmi d’autres, ouvre les chemins de la modernité.

Olivier Abel

« Calvin selon Hobbes et selon Milton », in O.Abel, P.-F.Moreau, D.Weber (dir.),
Jean Calvin et Thomas Hobbes, Naissance de la modernité politique,
Genève : Labor et Fides, 2012.

Notes :

[1] Calvin & Hobbes, Paris, Éditions Hors Collection, 1985-1995, 24 vol. dans l’édition française.

[2] IRC, IV, XX (OO, t. 4, p. 1125-1162).

[3] IRC, IV, X, 31 (OO, t. 4, p. 795).

[4] Commentaires sur le Nouveau Testament, sur Mt 19, 9, Paris, Ch. Meyrueis, 1854-1855, t. 1, p. 490 a.

[5] Sermons sur le Deutéronome, Sermon CXXXVI, sur Dt 23, 24-25 et 24, 1-4 (OO, t. 28, p. 148).

[6] Ibid., OO, t. 28, p. 139-140.

[7] Commentaires sur le Nouveau Testament, éd. cit., t. 1, p. 22 a.

[8] IRC, III, XIX, 15 (OO, t. 4, p. 358-359).

[9] IRC, IV, XX, 3 (OO, t. 4, p. 1128).

[10] IRC, IV, XX, 9 (OO, t. 4, p. 1136-1137).

[11] Sermons sur le Deutéronome,Sermon CXII, sur Dt 19, 1-7 (OO, t. 27, p. 544).

[12] IRC, IV, XX, 8 (OO, t. 4, p. 1135).

[13] IRC, IV, XX, 16 (OO, t. 4, p. 1146).

[14] Avis aux réfugiés. Réponse d’un nouveau converti (1690), Gianluca Mori (éd.), Paris, Honoré Champion, 2007.

[15] Baruch de Spinoza, Traité théologico-politique (1670), chap. XVII, § 8, texte établi par Fokke Akkerman, trad. fr. et notes par Pierre-François Moreau et Jacqueline Lagrée, Paris, PUF, 1999 (= Œuvres 3), p. 547 : « Dieu seul, donc, détint la souveraineté de l’État des Hébreux. Par la force du pacte, cet État fut le seul à être appelé à bon droit Royaume de Dieu, et Dieu, à bon droit, Roi des Hébreux. En conséquence, les ennemis de cet État furent appelés ennemis de Dieu […]. Voici pourquoi : les dogmes de la religion n’étaient pas des enseignements, mais des commandements et des règles de droit ».

[16] IRC, IV, XX, 14 (OO, t. 4, p. 1143).

[17] IRC, IV, XX, 15 (OO, t. 4, p. 1144).

[18] B,III (EW, VI, p. 334 / p. 178).

[19] B, IV (EW, VI, p. 368-369 / p. 206-207).

[20] IRC, IV, XX, 32 (OO, t. 4, p. 1161).

[21] IRC, IV, XX, 23 (OO, t. 4, p. 1152).

[22] John Milton, La Charge des rois et des magistrats, dans Écrits politiques, 1642-1660, Renée et André Guillaume (éd.), Lausanne, L’Âge d’Homme, 2007, p. 103.

[23] Ibid., p. 111.

[24] IRC, IV, XX, 31 (OO, t. 4, p. 1160).

[25] IRC, IV, XX, 16 (OO, t. 4, p. 1145).

[26] IRC, III, XIX, 15 (OO, t. 4, p. 360). Cette anthropologie de l’opinion sincère sera encore commune à Hobbes et Milton, dont on peut dire, comme de bien des hommes de la Révolution anglaise, que ce sont des hommes qui savent mourir (comme le dit Olivier Lutaud de Winstanley : Winstanley. Socialisme et christianisme sous Cromwell, Paris, Publications de la Sorbonne et Didier Érudition, coll. « Littératures », 1976), et l’on verra encore Bayle préféré être considéré comme athée que comme superstitieux, c’est-à-dire idolâtre de faux-dieux – c’est pourquoi je ne suis pas convaincu par l’hypothèse de Leo Strauss quand elle s’applique à tous ces calvinistes. En 1686, dans son Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ « Contrains-les d’entrer », Bayle écrira encore que « les droits de la conscience […] sont directement ceux de Dieu même » : De la tolérance. Commentaire philosophique, Partie I, chap. V, Jean-Michel Gros (éd.), Paris, Honoré Champion, 2006, p. 129.

[27] IRC, IV, VIII, 12 (OO, t. 4, p. 735).

[28] Pierre-François Moreau, « Calvin (1509-1564) : le bonheur, l’utile et le mesurable », dans Alain Caillé, Christian Lazzeri et Michel Senellart (éd.), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Le bonheur et l’utile, Paris, La Découverte, 2001, p. 237-248.

[29] IRC, II, VIII, 9 (OO, t. 3, p. 425).

[30] IRC, II, II, 13 (OO, t. 3, p. 314).

[31] Bayle, si proche de Hobbes dans son incessant démantèlement des « Junius Brutus » et de toutes les justifications des séditions, se retrouve souvent très proche de Milton dans son éloge de la tolérance du Commentaire philosophique ; en ce sens, voir aussi Dictionnaire historique et critique (16971), Article « Catius », Remarque D, nouvelle édition augmentée de notes extraites de Chaufepié, Joly, La Monnoie, L.-J. Leclerc, Leduchat, Prosper Marchand, etc., Paris, Desoer, 1820-1824, 16 vol., ici t. 4, p. 584, où l’on trouve une utopie océanique de société de libre tolérance, sans lois et sans État.

[32] Dès lors, la dialectique des moyens et des fins, issue d’Aristote et encore si présente chez Machiavel, doit être abandonnée.