Préambule
Chers Amis de l’Oratoire, avant tout un mot de gratitude pour vous dire mon plaisir d’être là, en un lieu que j’ai toujours senti bienveillant à l’égard de la Faculté du Bd Arago où j’enseigne depuis 25 ans, et parmi tant d’amis qui me sont chers, dont celui qui fait le culte aujourd’hui avec moi et celui qui fera le culte dimanche prochain.
Je suis heureux d’être parmi d’autres, apportant mon modeste métier : c’est un philosophe qui fera la prédication aujourd’hui ! Je ne le ferai pas comme une conférence, où je dispose d’ordinaire de plus de temps : je lirai en partie un texte que j’ai écrit hier pour cette occasion.
Après avoir hésité à prêcher sur la prédestination, puisque Calvin est à l’honneur en cette année de son 500ème anniversaire, qu’il est très méconnu et que je publie ce printemps un petit livre sur ses idées philosophiques, j’ai finalement préféré revenir à un texte que j’admire depuis longtemps, dont j’aime l’intense conversation avec Schopenhauer et Victor Hugo, Le problème du bien de Wilfred Monod.
C’est pourquoi j’ai choisi quelques fragments bibliques où l’on voit poindre cette difficile question du bon.
Lectures de la Bible
- Gn 1 2-21 genèse c’est bon
- Mt 5 4-8 béatitudes heureux.
- Mt 13 4-8 la bonne terre
- Jean 1018 donner sa vie
Prière avant la prédication
Ô Eternel, au moment où nous allons méditer les Ecritures, donne-nous d’y plonger nos visages comme dans une source inédite qui éclaircisse nos voix, libère nos conversations, nous autorise à parler et à écouter
Donne-nous, entre les pages ouvertes, de sentir craquer la jointure de notre monde, de sentir trembler les portes de notre monde, et les yeux soudain levés vers notre monde, d’entrevoir son ébranlement, de voir qu’il n’est pas fini.
Donne-nous d’être intrigués, retardés dans nos courses fébriles ou apeurées, dans notre lecture trop rapide non seulement de tes écritures mais de nos existences, de notre temps, et de notre monde.
Prédication
Dimanche dernier, Marc Pernot, parlant de surmonter le mal par le bien, s’appuyait sur Wilfred Monod pour montrer la dissymétrie entre le bien et le mal : « une stupide balle de fusil peut tuer une personne alors qu’il avait fallu des années d’efforts, de soins et de tendresse, pour devenir ce qu’elle était ». Voyez et comparez en effet cette dissymétrie : d’un côté le mince essai sur Le mal du philosophe Paul Ricœur, 40 pages mais le sujet pèse si lourd, et de l’autre le monumental chef d’œuvre de Wilfred Monod, Le problème du bien, près de 3000 pages, publié en 1934 !
Le 20 novembre 1921, le pasteur de l’Oratoire prêchait sur les mêmes versets bibliques que j’ai repris dans mes lectures. Et sa prédication se trouve à la fin du 1er volume, au moment justement où il bascule du problème du mal au problème du bien. Je le cite :
« étant donné un monde où s’entrecroisent partout, comme un buisson de baïonnettes, la souffrance, l’erreur, le péché, la mort — d’où vient le bien ? Le problème du bien le voilà, superbe, immense, dans sa colossale beauté. Examinez les marches des divers perrons de l’Oratoire ; vous y découvrirez, encastrés dans la pierre, la forme de maints coquillages fossiles, qui flottaient jadis en quelque océan préhistorique (…) en imagination, mesurez les étapes séculaires parcourues par la Vie, depuis les premiers mollusques envasés jusqu’à Jésus de Nazareth sur la montagne des Béatitudes. Est-ce que l’esprit qui mène le monde n’a point franchi, déjà, les barrières les plus difficiles et livré déjà ses plus dures batailles ? » (p.1137).
On n’est pas très loin du ton lyrique de la Genèse : cette immense histoire de la vie, toutes ces plantes et tous ces animaux qui sont donnés à manger les uns aux autres pour croître et multiplier, et Dieu dit que « c’est bon » ! Pourtant Wilfred Monod refuse d’identifier bonnement Dieu à la Vie, à l’élan vital.
La profondeur du mal
Disons le tout de suite, Wilfred Monod n’était pas d’un optimisme béat. On sortait à peine de 4 années de guerre atroce, de tranchées et de gâchis absurdes, et il avait accompagné tant de deuils ! Dans ce contexte là, se pencher sur le problème du bien n’est il pas anachronique ? Monod le dit à la page suivante, le mal est là, et bien là. Il règne. Marc Pernot a consacré à ce sujet il y a quelques mois une belle prédication, à partir de la parabole du bon grain et de l’ivraie, qui croissent ensemble comme si les possibilités du meilleur étaient aussi les possibilités du pire.
C’est un thème que j’ai moi-même beaucoup travaillé, à partir notamment d’un auteur que j’affectionne, Pierre Bayle. Dans l’article « manichéens » de son Dictionnaire historique et critique publié à Rotterdam en 1698, il écrit à peu près la même chose que W.Monod : un certain dualisme est peut-être hétérodoxe, mais il décrit mieux la réalité mélangée de bien et de mal du monde que nous vivons. En tous cas il nous faut nous départir de l’idée d’un Dieu tout puissant qui pourrait comme immédiatement et constamment faire ce qu’il veut — car ce serait alors un Dieu terrible qui gouvernerait le monde.
Ce que Bayle observe aussi c’est chez les humains une sorte de curieuse préférence pour le mal : « l’homme aime mieux se faire du mal pourvu qu’il en fasse à son ennemi, que se procurer un bien qui tournerait au profit de son ennemi », écrit-il. Quel effrayant sens du sacrifice ! Il faut espérer que ce n’est pas ce que Jésus a voulu dire en disant que c’était lui qui donnait sa vie !
Chez Wilfred Monod, le mal n’est pas sous estimé, et ce qu’il appelle l’obstination du bien se fait donc jour au travers de la tempête — c’est le thème poétique qui traverse toute l’œuvre, dont les 1000 premières pages sont consacrées au problème du mal. Et il faut bien en passer par un constat d’effondrement du dogme optimiste — entre autres celui de cette trop facile présence de Dieu que Laurent Gagnebin déconstruisait ici même le 4 janvier dernier.
Mais il reste qu’au terme d’un long débat avec le malheur et le désespoir, qui culmine aux prises avec le philosophe Schopenhauer, le maître de Nietzsche, Wilfred Monod fait cette expérience, qui sera aussi celle de Camus ou de Ricœur, et qui jadis avait déjà été celle de Spinoza ou de Leibniz : c’est que la négation n’a de force qu’empruntée à l’affirmation, que l’orientation vers le oui des choses mêmes semble plus originaire encore que le refus, et que le postulat de l’absolu pessimisme, de l’absolue absence, ne tient pas plus la route que celui de l’optimisme. C’est justement là le problème.
La radicalité du bon
Examinons le passage qui conduit Wilfred Monod à estimer qu’il faut, comme il dit, « remplacer le problème du mal par le problème du bien », parce que celui ci serait plus large et plus radical encore. Comme je viens de le dire, W.Monod est dans les pages précédentes en débat avec Schopenhauer, dont il dit que c’est « un philosophe génial », et qu’il résume en quelques pages.
Au fond de tout ce qui existe il y a une énergie, un vouloir-vivre, une force immense. Mais cette découverte effraye Schopenhauer, c’est pour lui une force infernale. Et tant que nous sommes attachés à ce vouloir-vivre, nous sommes captifs d’une lutte pour nous conserver et pour nous reproduire, captifs d’une atroce lutte pour la vie. Le salut, que Schopenhauer trouve moins dans le Christianisme que chez Jésus, et moins dans le Bouddhisme que chez Bouddha, consiste à nous détacher, à laisser s’éteindre en nous ce vouloir-vivre. Alors nous devenons capables d’une véritable compassion pour toutes les créatures qui souffrent, et nous avons un regard clair sur le monde.Tout particulièrement nous ne cherchons plus à nous reproduire, à attacher de nouveaux galériens aux chaînes de l’existence. Serait-ce cela le sens des Béatitudes ? cette évasion hors d’un monde de misère ?
Parvenu à ce point Wilfred Monod rapproche Schopenhauer de la gnose et de Marcion qui eut tant d’influence sur les pauliciens, les bogomiles et les cathares. Mais il ne suffit pas de dire qu’il s’agit là d’une doctrine hérétique ! Sous la plume de Schopenhauer, la question redevient brûlante. Dans la gnose antique, l’âme était dite descendre pour se trouver captive d’un corps. Chez Schopenhauer c’est la vie et la volonté qui en s’individualisant par la naissance vient s’incarcérer dans un corps. Un corps qui nous fait croire que nous pouvons être heureux, mais qui nous coince dans un point de vue sur le monde tragiquement étroit et dont jamais nous ne pourrons sortir. Telle est bien la condition native, d’être né homme ou femme, blanc ou noir, maître ou esclave etc. C’est d’ailleurs la condition de toutes les créatures, forcées d’être, jusqu’au bout de leur rôle, des loups ou des agneaux, des bêtes à viande parquées en attendant les abattoirs…
Nous sommes ici au cœur du problème : est-ce qu’il vaudrait mieux ne pas être nés ? C’est à cette question radicale que Wilfred Monod s’affronte dans le problème du bien. Le bien et le mal ne s’affrontent pas autour du péché et du malheur, ni même de la mort, mais autour de cette question plus radicale que la mort même : la non existence serait-elle préférable à l’existence ? Car la naissance comprend et la vie et la mort. Elle est plus radicale, plus absurde encore. Personne ne mérite d’être né, ce n’est pas un concours dont les survivants pourraient se bercer de la douce illusion d’être les meilleurs ! C’est juste un hasard, une grâce absurde, et nous devrions garder la conviction de notre interchangeabilité dans les jeux du monde. Et si les Béatitudes disaient plutôt cela ?
Et c’est ici que la conviction de Wilfred Monod bascule : il doit bien y avoir, non du bien au sens moral, mais du bon, une obstination du bon, du désir du bon, sans laquelle on ne comprendrait pas « la joie obstinée qui sourit, prophétesse, autour des berceaux ». Dans la suite de son livre, de sa traversée des rayons et des ombres, de la tempête (ce sont toujours ses mots, proche de ceux de Victor Hugo), il convoque le chœur de tous ceux qui sont déjà nés, des aïeux qui nous précèdent et nous appellent à garder mémoire, et le chœur de tous ceux qui sont à naître, des générations futures qui nous invitent à oser et inventer.
Le problème du bien rassemble la naissance jadis, aujourd’hui, demain. Certes le mal est là, irréversible, irréparable. Mais il y a aussi tout ce qui rouvre les promesses écrasées, ce qui fait que le monde n’est pas fini, ce qui commence ou qui peut venir.
Mes amis, laissons une dernière fois la parole à Wilfred Monod avant d’explorer sans lui les chemins qu’il nous indique. Oui, le mal règne, il est là, mais nous lui échappons, parce que tout en étant là nous sommes ailleurs, nous passons, nous traversons :
« Nous passons, voilà notre gloire. Nous allumons chaque soir un feu de bivouac . Ainsi toujours nous avançons, nous aspirons, nous protestons, nous pensons, nous rêvons, nous prions, dotés d’un pouvoir incompréhensible : celui de poser ici-bas des commencements nouveaux (…) nous sommes doués même de la capacité de mourir (…) Le problème du bien m’émeut davantage que le problème du mal, il est plus déconcertant, plus inopiné, plus saisissant, plus prodigieux, que le mal (…) autrement le monde aurait depuis longtemps disparu » (p.1138-1139).
La difficulté du bon
Le problème du bon, me semble-t-il, c’est qu’il est plus difficile que le mal. Plus difficile à discerner, à sentir, à reconnaître, et plus difficile à faire, à agir. Le mal est facile à faire, mais nous pouvons aussi agir contre lui ; reste qu’il est un point où avant de prétendre agir contre lui, il faut simplement le sentir, et laisser la plainte se dire. Le bien aussi il faut le faire, et là il y a vraiment du travail, parce que souvent il nous faut changer d’abord nos habitudes, il nous faut un désir qui ne se décourage pas trop vite d’être rebuté. Mais il nous faut avant tout la faculté de gratitude, la faculté de sentir les joies qui nous sont données, de les saisir et d’exprimer notre louange. C’est l’idée de la « bonne terre ».
Plus difficile sans doute, le bon comporte du mal. Ce serait si simple d’ailleurs s’il n’y avait que le mal : mais parmi les maux il y a l’espérance et les promesses du bon, les promesses de bonheurs à venir. Or les promesses peuvent être trahies ou déçues, et les plus grandes espérances portent parfois dans leurs flancs les plus grands dangers. Voilà la première difficulté du bon. Est-ce une raison pour ne plus rien promettre, pour ne plus rien espérer ?
Et puis il y a aussi la mélancolie des bonheurs passés : Plotin le grand philosophe de l’antiquité tardive, remarquait que le malheur à l’état pur était simplement la perte du bonheur ! la fugacité du bon, et la tendance humaine à serrer les doigts pour empêcher le bonheur de fuir et nous échapper, voilà la seconde difficulté.
Et même les bonheurs présents : la philosophe Hannah Arendt écrivait qu’il était plus difficile de partager le bonheur que de partager le malheur ; et que les vrais amis sont ceux qui sont vraiment capables de partager nos joies. Mais justement nous ne pouvons imposer à autrui de partager nos joies, nos bonheurs notre plaisirs ! Je ne peux forcer autrui à s’enthousiasmer pour une musique qui me laisse au bord des larmes ! Je ne peux forcer autrui à recevoir ce que je crois être une « bonne nouvelle » ! Le bon est résistible, il peut aisément être refusé. Or est-il pire malheur qu’une joie qui n’est pas partagée ? Une bonne terre c’est ici celle qui reçoit avec faveur et bienveillance les promesses de bonheur lancées par les autres. Il y a beaucoup de bonnes semences, mais c’est la réceptivité qui manque, et le courage de lancer les semences, de les perdre peut-être.
Ce sont toutes ces difficultés qui font peut-être que nous préférons faire le mal, comme par dépit de la difficulté du bon. Que nous préférons faire mal à autrui et nous-mêmes, pour nous cacher la tristesse et la déception de voir nos joies refusées, de sentir le bonheur trop fragile, trop fugace.
Et pourtant, Ricœur disait que le cœur du sentiment religieux est la confiance dans les capacités du bonheur et de la bonté, la confiance dans les ressources du bon. Il suffit de rouvrir au fond des êtres cette orientation, cette approbation profonde, pour rouvrir les sources de la confiance, qui est indistinctement confiance en soi, en l’autre, en Dieu. C’est le même sentiment que je trouve chez Wilfred Monod, et aussi chez un grand philosophe américain, Emerson, qui écrivait en 1841 Dans Confiance en soi :
« le plus grand mérite que nous reconnaissons à Moïse, Platon et Dante est de n’avoir fait aucun cas des livres et des traditions et d’avoir dit non ce que pensaient les hommes mais ce qu’eux-mêmes pensaient (…) Chaque fois qu’un esprit empreint de simplicité reçoit la sagesse divine, tout ce qui est ancien passe -coutumes, maîtres, textes, temples s’écroulent; il vit maintenant et absorbe le passé et l’avenir dans le moment présent (…) lorsqu’un homme vivra avec Dieu sa voix sera aussi douce que le murmure des ruisseaux et le bruissement des blés ».
La gratitude d’être nés
Pour retrouver la racine de cette confiance, il nous faut revenir à la naissance, à la natalité, à la nativité de toute existence. Nous sommes toujours « après » Noël. Nous sommes nés, et tout ce que nous pouvons c’est répondre au fait brut d’être né par l’initiative, par la faculté de commencer, de faire naître quelque chose à notre tour. Par la faculté de parole et d’action, qui sont aussi résistibles et fugaces que le bon, mais qui rendent grâce d’être né, et qui interprètent le fait d’exister en lui donnant des propositions de sens.
Nous sommes ici, mes amis, à la source d’une petite théologie très simple, trop simple peut-être, mais tendue entre deux limites qui font l’intervalle de notre monde qui a été tant aimé par Dieu qu’il a donné son fils unique, sa vie.
Du côté de la Genèse, nous pouvons relire quelque chose comme un « éloge du monde », qui va à l’encontre d’une tentation gnostique aujourd’hui très forte, celle de fuir notre monde considéré comme foutu,. La prédication de la grâce ici ne répond plus au péché mais au néant, au sentiment que tout est vide et absurde. Le fait que Dieu ait créé ce monde est déjà une Grâce, plus merveilleusement absurde encore que tout. Ce que dit la Genèse, c’est que toute apparition d’une existence, d’un être qui désire être, si fugace soit-elle, à la face du monde, est déjà une grâce, et un plaisir pour Dieu.
La répétition magnifique du « c’est bon » sur la pluralité des créatures me semble l’âme d’une pensée comme celle de Leibniz ou de Whitehead, le grand inspirateur de la théologie du Process : l’étonnant, comme s’étonnait le philosophe Gilles Deleuze, c’est que le monde objectif puisse loger autant de nouveautés subjectives. Quel est ce monde qui permet la nouveauté, la plus grande densité d’existences possibles en même temps ?
On revient cependant ici sur l’ombre de malheur qui frappe le bon et le meilleur possible. C’est qu’il n’y a pas de nouveauté sans perte, pas de naissance sans dépérissement. Il ne faut jamais oublier ce caractère brutal de la naissance, qui repousse l’ancien dans le passé. Mais aussi il faut avoir s’effacer pour que d’autres puissent à leur tour paraître au monde et se montrer — et c’est peut-être le sens non sacrificiel du « c’est moi qui donne ma vie ».
Reste le point de vue singulier de celui qui reste sur le bord de la route, écarté par la suite des générations, c’est à dire chacun de nous en tant qu’individu. Oui, Schopenhauer a raison, les personnes singulières restent coincées dans l’étroitesse de leur point de vue sur le monde. Sur ce deuxième versant je voudrais pour finir laisser la parole au pasteur et narrateur André de Robert, qui écrivait :
« Nous qui sommes sans descendance organique, je veux dire sans enfant, nous sommes les mieux placés pour comprendre ou deviner à quoi sert la vie. (…) C’est de nous que 1’espèce humaine attend quelques éclaircissements, nous qui ne pouvons charger personne, plus tard, de savoir ce que nous faisons là. (…) La vie personnelle sert à inventer de nouveaux parfums. Elle sert à produire de nouvelles formes de gratuité. C’est en cela qu’elle participe à la création en cours. Car la création est un acte de gratuité. Chacun de nous est au bénéfice de cet acte. Tout nous a été donné à notre naissance (…) Ce qui m’est donné, c’est 1’incitation à avancer. Non pas seulement de me tenir bien droit sur mon cheval de manège, dans la fierté de comparaître à mon tour, aux applaudissements des miens, au rythme d’une musique festive… Mais 1’incitation à avancer dans le noir de 1’inexpliqué, de 1’inexploré, à avancer et à assurer le pied sur un sol nouveau. (…) Je n’explique pas. J’observe. A mesure que mon corps se détruit, mon étonnement augmente. Ce que je fais là ? Maintenant que je ne fais pratiquement plus rien ? Je m’étonne. »
André de Robert propose que notre réponse à ce plaisir de Dieu que « cela soit », c’est d’abord et simplement notre plaisir d’être, qui doit avoir un sens, même si nous ne savons pas lequel. Notre réponse au simple fait d’être nés, c’est d’interpréter notre existence comme une action de grâce. Mais cette « action de grâce » se décline toujours-déjà dans une extrême et infinie diversité. Car chacun de nous a sa manière unique de reporter le souci de soi sur autre que soi, et de donner sa vie, de la dépenser pour rien, pour le plaisir de Dieu.
Amen.
Olivier Abel
Prédication donnée à l’Oratoire du Louvre le 20 juin 2010