« Le courage et l’expérience d’être chez P.Tillich et P.Ricœur »

 

Le rapprochement entre Le courage d’être de Tillich et La philosophie de la volonté de Ricœur montre une surprenante isomorphie. Pour faire la comparaison qui suit, j’aurai recours d’une part aux chapitres II, IV, V, et VI du Courage d’être(1952) et d’autre part à divers textes contemporains de La philosophie de la volonté : dans celle–ci, la fin du premier tome sur « le volontaire et l’involontaire »(1948–1950)[1] ; dans Histoire et Vérité la dernière partie sur « la puissance de l’affirmation »(1953)[2]. C’est donc en gros le collage de deux textes de Ricœur qui nous donne l’équivalent approximatif de la structure du Courage d’être[3].

L’idée de ce rapprochement tient à une confusion enthousiaste, dans l’esprit de l’adolescent que je fus, entre les deux lectures : comme si elles traçaient le même cheminement, une voie royale de l’éthique. Aujourd’hui toutefois, ce qui me fait revenir sur ces textes, c’est au contraire le désir de reparcourir le détail, la curiosité de chercher les différences, les singularités par lesquelles ces cheminements divergent. A la surprise de la ressemblance s’ajoute alors celle de la découverte que cette ressemblance est fortuite, que le rapprochement est artificiel et ne correspond à aucune généalogie commune. Dans la mesure où la ressemblance existe toutefois et n’est pas entièrement le fruit de mon imagination (le lecteur attentif des textes sera juge), comment l’expliquer ?

Elle est probablement due au fait que les deux textes partagent le même débat fondamental : celui avec l’existentialisme. Mon hypothèse méthodologique est que ces deux discours, similaires en tant qu’ils répondent au même « partenaire », sont animés chacun par des interrogations propres, de styles différents. C’est pourquoi la similitude de structure entre les deux démarches procède pourtant de problématiques dont on peut mesurer l’écart. C’est cet écart que je voudrais pointer, parce que révélateur non seulement de la pensée de l’un et l’autre auteur, mais de leur « expérience » ou de leur « espérance »[4]. D’autre part il me semble trouver dans cette convergence et dans cet écart un des « lieux » fondamentaux pour une anthropologie éthique, et cela est précieux dans le débat actuel.

I. Le débat avec l’existentialisme :

Redisons–le, pour poser les termes du débat clairement, il ne faut sans doute pas aller chercher du côté de la chronologie et des influences. Les questions d’antériorité historique ne se posent pas vraiment, pour des textes dont on a vu d’emblée qu’ils sont pratiquement contemporains, et qui ont surgi dans des contextes aussi différents. Certes, c’est au Collège cévenol que P.Ricœur, jusque là plutôt tourné vers la pensée et la langue allemande, a noué ses premiers contacts américains ; et le texte sur « vraie et fausse angoisse » fut proposé aux Rencontres Internationales de Genève en 1953, soit un an après la publication à Yale du Courage d’être. Mais à l’inverse Le volontaire et l’involontaire fut publié en 1950, et de toutes façons on pourrait montrer chez l’un et l’autre qu’il s’agit de thèmes anciens. Pour sa part, Ricœur, interrogé sur ce point, ne se souvient pas qu’il y ait eu une influence réciproque.

Pour adopter le langage phénoménologique de l’époque, ce seraient donc les contraintes « noématiques » du problème même qui auraient conduit nos auteurs dans leurs démarches. Ces contraintes toutefois se manifestent dans un langage historiquement bien situé, celui de l’existentialisme. La toile de fond de ce débat avec l’existentialisme de Heidegger (mais aussi de Sartre), nous la trouvons d’emblée dans l’analyse de l’angoisse par différence avec la crainte ou la peur[5] : alors que celles–ci ont un objet, l’angoisse n’a pas d’objet, et c’est cette absence même qui fait l’angoisse, et qui fait de l’angoisse un tel révélateur de la structure ontologique du « Dasein ».

Dans Etre et temps, M.Heidegger écrit : « Le devant–quoi de l’angoisse est complètement indéterminé (…) Dans l’angoisse ne se rencontre ni ceci ni cela avec quoi il pourrait y avoir conjointure de l’ordre de la menace (…) Elle ne sait pas devant quoi elle s’angoisse (…) Ce devant quoi s’angoisse l’angoisse est l’être–au– monde même »[6]. On pourrait aller plus « loin » et montrer que la catégorie centrale dans cette analyse de l’angoisse est celle de la temporalité, et la dialectique de la finitude et de l’infinitude que l’on trouve aussi bien chez Tillich que chez Ricœur est probablement un écho de cette méditation heideggerienne du temps. On y reviendra.

Lorsque Tillich par ailleurs écrit que « dans l’angoisse devant n’importe quelle situation particulière, c’est l’angoisse devant la situation humaine comme telle qui est présente » et que « l’esprit humain n’est pas seulement, comme l’a dit Calvin, une fabrique d’idoles, il est aussi une fabrique permanente de crainte : la première pour échapper à Dieu, la seconde pour éviter l’angoisse »[7], il adopte un style d’argumentation typiquement existentialiste. On peut évoquer les analyses heidegerriennes du souci, où le Dasein s’ouvre et se ferme à son propre être–pour–la–mort, ou bien celles de la « mauvaise foi » par J.P.Sartre[8].

Le débat avec Sartre prédomine dans le texte de Ricœur intitulé « négativité et affirmation originaire ». Contre Sartre, il faut dire l’affirmation plus originaire que la négation, et penser la priorité de l’être sur le néant au coeur de l’homme : « si cette voie parait bien souvent barrée c’est parce qu’on se donne au départ une idée étroite et pauvre de l’être, réduit au statut de la chose, du donné brut, ou de l’essence »[9]. Et Tillich : « il ne peut y avoir de négation véritable sans une affirmation implicite »[10]. L’un parle de « puissance de l’acceptation » (Tillich, op.cit. p.174) et l’autre de « puissance de l’affirmation »[11]. Tous deux sont ici très près de Camus dans L’homme révolté, quand il montre dans la révolte même un geste de vie. On peut dire « oui » ou « non » au néant, mais c’est en s’adossant à un « oui » plus originaire à l’être. Telle est leur expérience[12] et leur affirmation fondamentales.

Tillich et Ricœur sont donc contemporains de l’existentialisme, mais rompent tous deux avec une ontologie existentialiste qui insiste trop sur le néant, sur la négativité. C’est pourtant en style existentialiste (mais au sens d’Augustin, de Luther, de Kierkegaard) qu’ils résistent à cette philosophie de l’esprit (Hegel) ou de la vie (Nietzsche) pour laquelle au contraire la puissance de l’affirmation relève et surmonte toute négativité[13]. On ne peut créditer l’esprit ni la volonté d’une telle puissance (dialectique ou généalogique), ni se borner à participer à leurs joyeuses métamorphoses. C’est contre Nietzsche que Ricœur termine Le volontaire et l’involontaire par l’aphorisme : « vouloir n’est pas créer ». Et c’est contre Hegel et tous ceux qui ont prétendu s’affranchir des bornes de la finitude, que Tillich montre comment Kierkegaard revient à Kant, à l’irréductible temporalité de la condition humaine.

Ii. La structure ontologique de l’angoisse :

Dans l’exploration des racines de l’angoisse comme dans celle des principaux écueils entre lesquels le courage doit naviguer (excès de négation chez Sartre ou excès d’approbation chez Nietzsche) nous avons été aux limites d’une genèse commune aux démarches de Tillich et Ricœur dans l’existentialisme. En partant de la typologie des angoisses, nous allons pointer un premier écart entre les problématiques. Ici et là nous avons une analyse très similaire de l’angoisse sous les trois figures de l’angoisse vitale[14], de l’angoisse spirituelle (la perte du sens)[15], et de l’angoisse de la culpabilité[16]. Mais cette anthropologie philosophique est plutôt d’inspiration schellingienne chez Tillich et kantienne chez Ricœur.

A. Une typologie schellingienne :

Parmi les jeux de différences notionnelles introduites, ou de catégories utilisées par Tillich dans la partie ontologique de sa Théologie systématique, aucun ne peut servir immédiatement et à lui seul de fil conducteur pour penser cette typologie des angoisses. Cela montre assez combien Tillich emploie les travaux de ses prédécesseurs comme de simples matériaux. A titre exemplaire (et non exhaustif) on peut en proposer deux. Dans la théorie des « puissances » chez Schelling, qui sont les principes d’existence (ce à quoi le non–être peut s’attaquer), nous avons d’abord le « pouvoir–être », dont Tillich tire la polarité entre individualisation et participation, et que l’on peut interpréter en termes d’affirmation de soi « ontique »[17]. Puis nous avons le « falloir–être », dont Tillich tire la polarité entre dynamique et forme, et que l’on peut interpréter en termes d’affirmation de soi « spirituelle »[18]. Enfin nous avons le « devoir–être », dont Tillich tire la polarité entre liberté et destinée, et que nous pouvons interpréter en termes d’affirmation de soi « morale »[19].

L’intérêt de ce rapprochement tient au fait qu’il respecte l’idée de Tillich, que « le non–être est sous la dépendance des qualités spéciales de l’être » (C.E. p.52) : il y a trois types d’angoisse, il fallait donc trouver une caractérisation ontologique ternaire[20]. Par ailleurs on épouse ainsi un rythme très schellingien, avec un moment « Nature »(la vie), un moment « Histoire »(le sens), et un moment « Absolu »(l’articulation de la vie et du sens)[21]. Toutefois il n’est jamais tout à fait inutile d’embrouiller les choses trop simples. En distribuant les trois polarités entre le « soi » et le « monde » (l’individualisation, la dynamique, et la liberté étant du côté « soi », la participation, la forme et la destinée étant du côté « monde »)[22], on pourrait soutenir avec un certain degré de plausibilité que le « soi » correspond à la dimension ontique, le « monde » à la dimension spirituelle, et que la dimension morale correspond à la juste articulation, au rapport entre le soi et le monde.

En effet dans la Théologie systématique, à propos de la structure ontologique fondamentale, Tillich écrit : « Le soi sans un monde est vide; le monde sans un soi est sans vie »[23]. Le soi individualisé est donc du côté « vie », et le monde participé du côté « sens » (le contraire du vide). Plus loin il écrit : « La polarité de la dynamique et de la forme apparaît dans l’expérience immédiate de l’homme comme la structure bi–polaire de la vitalité et de l’intentionnalité »[24]. L’intentionnalité est toujours définie par Tillich comme la dimension des significations, du sens. Enfin, plus loin encore, il écrit: « L’homme est menacé de la perte de la liberté par les nécessités sous–jacentes à sa destinée, et il est également menacé de la perte de sa destinée par les contingences sous–jacentes à sa liberté (…) Perdre sa destinée c’est perdre la signification de son être »[25]. Ici encore la liberté (le pôle du soi) porte la contingence ontique, et la destinée porte la signification spirituelle.

Dans cette hypothèse, l’éthique serait le lieu où se décide la synthèse vivante ou la séparation stérile entre l’infini et le fini, entre la tendance affirmatrice et centrifuge du sujet et la tendance négatrice et centripète de l’objet : dans la séparation des deux, l’activité s’immobilise en s’éteignant dans son produit ; dans la synthèse (qui est tension et conflit entre les deux tendances), l’activité (se) reprend, par un retour sur soi caractéristique de l’existence éthique. Tel est le point le plus « shellingien » jusqu’où nous puissions aller dans l’anthropologie éthique de P.Tillich, quant à la structure de l’angoisse.

B. Une analyse kantienne :

Reprenons maintenant cette question pour Ricœur. Ici aussi nous avons une analyse de l’angoisse sous trois figures principales. D’abord une angoisse de niveau vital, l’angoisse de la mort et de la contingence, à laquelle riposte un vouloir–vivre qui est un acte de transcendance: il n’y a pas de courage de vivre qui ne soit aussi un courage de transcender « ma » vie, de me sacrifier pour quelque chose de plus vaste que ma vie. Cette première riposte introduit une seconde angoisse, de niveau historique, qui est proprement l’angoisse spirituelle du sens de l’histoire : si le sens par lequel je transcende ma contingence se dissout dans l’absurde, alors le sacrifice même est vain ; il ne reste que le courage existentiel, acte d’une liberté sans garantie, dépouillée de tout repère extérieur à sa pure décision. A son tour cette forme de courage introduit une dernière grande forme d’angoisse, qui est l’angoisse de la culpabilité : non pas une angoisse morale, mais le sentiment d’une vanité de la liberté elle–même ; et si la liberté ne désirait que la servitude ? Ce soupçon enchevêtre la figure de l’homme coupable et celle de l’homme victime et les laisse ensemble inexplicables[26].

Commençons par remarquer que l’angoisse jaillit d’une oscillation, et plus exactement d’une disproportion, entre une condition et une transgression, entre une finitude et une infinitude. C’est du coeur de la même fragilité que pourra jaillir le courage d’exister, une « affirmation originaire » aussi puissante que cette négativité ou cette limitation première qu’est ma perspective (mon point de vue physique sur le monde des objets) ou mon caractère (mon point de vue moral, l’étroitesse de mon ouverture à autrui). L’infinitude de la parole qui transcende ma perspective, ou de la visée totale de bonheur qui transcende mon caractère, s’atteste comme une négation de négation, ce qui en nous est capable de résister à ce qui nous nie[27]. On peut assigner deux sources à cette anthropologie : l’une cartésienne, et l’autre kierkegaardienne[28]. Mais quand Ricœur la développera, dans L’homme faillible, ce sera finalement sous une forme kantienne.

Le texte qui nous intéresse (sur « vraie et fausse angoisse ») se situe en aval des études phénoménologiques et existentielles sur « le volontaire et l’involontaire », dont nous tirerons d’ailleurs, en troisième partie, les formes du courage. Celles–ci y sont précédées par une description de la finitude de la volonté sous trois catégories : le caractère (la partialité, l’angle habituel sous laquelle les valeurs morales apparaissent à chacun), l’inconscient (l’incapacité dans laquelle nous sommes de parvenir à la totale clarté des buts et motifs de nos actes), la vie (les besoins élémentaires qui constituent la condition « énergétique » de toute volonté)[29]. La question est alors : « puis–je consentir à ma vie, à mon inconscient, à mon caractère ? »[30]. On retrouve à peu près le rythme de nos trois types d’angoisse, en acceptant que la figure de l’inconscient soit celle de la perte de sens (l’obscurité de nos actes et l’absurdité de l’histoire).

Mais le texte qui nous intéresse se situe aussi en amont des analyses de L’homme faillible, qui se font en trois moments : le premier (qui correspond à la Critique de la raison pure) porte sur la disproportion entre la perspective (finitude) et le verbe (infinitude), et leur synthèse transcendantale dans l’imagination pure ; le second (qui correspond à la Critique de la raison pratique) porte sur la disproportion entre le caractère (partialité) et le bonheur (totalité), et leur synthèse pratique dans le respect ; et le troisième (qui correspond à la troisième critique kantienne) porte sur la disproportion, dans le sentiment même, entre le désir sensible (épitumia) et le désir spirituel (éros). Et la synthèse du sentiment est simplement ce mixte des précédents niveaux, que l’on peut appeler la fragilité affective : le sentiment « distend le moi entre deux visées affectives fondamentales, celle de la vie organique qui s’achève dans la perfection instantanée du plaisir, celle de la vie spirituelle qui aspire à la totalité, à la perfection du bonheur »[31]. Ici encore, on retrouve nos trois types d’angoisse : celle qui atteint le « bios », celle qui atteint le « logos », et celle qui atteint, avec la faillibilité, la discordance même entre le bios et le logos dans notre « coeur »[32].

C. Remarques sur l’expérience de l’angoisse :

Entre les différents jeux de catégories ayant pu servir à Ricœur pour construire sa typologie des angoisses, pas plus que pour Tillich, il ne saurait s’agir d’en choisir un qui serait le « bon ». Au fond, chacun d’eux a bricolé la sienne à partir des éléments terminologiques à sa disposition, et de son expérience propre. À cet égard l’ordre dans lequel les angoisses sont présentées est singulier et significatif. Quand Tillich expose leur ordre chronologique, leur périodisation, il intervertit l’ordre d’exposition entre l’angoisse spirituelle de l’absurde (qui apparaît alors à la fin) et l’angoisse de la culpabilité (qui vient alors en second lieu)[33]. Pourquoi ce déplacement ?

Pourquoi ne pas avoir exposé les angoisses directement dans l’ordre de la périodisation ? L’interprétation schelligienne que nous avons proposé de cette trilogie, qui aurait alors été l’ordre de la « production » du concept, apporte un élément de réponse. A l’inverse de Tillich, chez Ricœur, on l’a vu, l’ordre de l’exposition est également celui d’un possible cheminement (sinon d’une déduction). Mais cela correspond chez lui à un itinéraire existentiel qui est aussi celui d’une génération : la faillibilité et la culpabilité sont le lieu de l’angoisse la plus radicale. Ce n’est pas pour lui une petite angoisse morale et individuelle, mais une angoisse plus radicale et plus totale sur la fragilité de l’entreprise humaine entière : l’angoisse de ceux qui ont vécu en face (et de tout près[34]) la défaite devant la montée du nazisme et l’impuissance après Auszchwitz.

Revenant à Tillich, on peut alors estimer probable que l’ordre de périodisation correspond à son expérience, et voir dans l’angoisse du vide et de l’absurde, qui est la plus proche des descriptions du désespoir, l’angoisse qu’il a le plus vivement éprouvée : « la foi peut–elle résister à l’absurde »[35]? On voit ainsi que non seulement les deux analyses de l’angoisse, apparemment voisines, relèvent de problématiques philosophiques différentes, mais qu’en outre elles se rapportent à des « expériences » ontologiques de styles différents.

Y aurait–il, en amont de l’expérience du « Mal » et de celle de l' »Absurde », une racine commune à ces deux angoisses, plus originaire ? Sans étayer cette hypothèse par les textes, on peut avancer que ce serait probablement du côté de la condition de « temporalité » qu’il faudrait chercher cette structure anthropologique fondamentale. C’est le temps qui aiguise le visage de la mort, l’accumulation des deuils qui fait le vieillissement ; c’est le temps qui dévalue, décolore et disperse le sens ; c’est le temps qui ronge le présent par le sentiment de l’autre agir possible et manqué. Mais le temps fait–il la place à une expérience de l’ultime, ou bien interdit–il cette intuition ontologique ? C’est la dernière question qu’il nous faut maintenant traiter.

Iii. L’expérience et l’affirmation ontologiques du courage :

Avant de parler des grands « styles » de courage, qui répondent aux formes d’angoisse que nous venons de considérer, on peut noter la petite locution qui donne le « site » de cette réponse : « en dépit de ». Tillich reprend cette locution à Luther (« sans cesse il répète ce mot trotz », C.E. p.160 et 170), mais on la retrouve sans cesse sous sa plume. Ricœur interprète ce « je veux, en dépit de ma finitude » (H.V. p.350) plutôt en termes bergsoniens (ce qui résiste à la résistance)[36]. Rhétoriquement, l’expression « en dépit de.. » marque la différence de puissance entre l’argument qui lui précède et celui qui lui succède.

A. Le soi stoïcien et la participation orphique :

Nous sommes donc ici sur le site de la « puissance de l’acceptation » (Tillich), ou de la « puissance de l’affirmation » (Ricœur) que nous avions rencontrées à propos du débat ontologique de nos deux auteurs avec (et contre, en dépit de) Sartre. On le voit tout au long de nos textes, il y a pour eux, plus radicalement que toute négativité un « oui » originaire à l’être, une logique du surplus de l’être sur le néant, de la surabondance, etc. Maintenant risquons une rapide simplification de cette ontologie du courage : ce « oui » originaire à l’être peut se prononcer au travers d’un « non » au néant, ou au travers même d’un « oui » au néant : telles sont les deux grandes modalités ontologiques du courage.

Pour Tillich c’est le non–être qui dévoile l’être (C.E. p.175.). Ainsi distingue–t–il deux sortes d’angoisse : « Le non–être offre un double–visage (…) Le premier traduit l’angoisse de l’étroitesse annihilante, de l’impossibilité d’échapper et de l’horreur d’être pris au piège. Le second exprime l’angoisse d’une ouverture sur le néant, d’un espace infini et sans forme dans lequel on tombe sans un endroit où arrêter sa chute »(C.E. p.72.). A la première forme d’angoisse correspond le courage existentialiste, qui réside dans une distance et un sentiment d’exil en ce monde : le courage d’être soi–même. Et à la seconde forme d’angoisse correspond un courage plus mystique, qui réside dans l’appartenance à une communauté naturelle ou historique de salut : le courage d’être en participant.

Il ne me semble pas impossible de faire le rapprochement avec ce que Ricœur appelle « le chemin du consentement ». Le courage d’être soi–même, dans le détachement (l’arrachement, le désengluement) d’avec tout ce qui n’est pas soi, correspond assez bien à ce que Ricœur appelle le « stoïcisme ». On a bien la première grande « posture ontologique » du courage, qui dit « non » et refuse tout ce qui nie le soi[37]. Le courage d’être en participant, avec la perte de soi dans la métamorphose participatrice sans conscience, correspond assez bien à ce que Ricœur appelle « orphisme ». Ici nous avons l’autre grande « posture ontologique » du courage, qui dit « oui » à tout[38].

Comme Tillich ne fait pas oeuvre de sociologue en proposant cette polarité entre individualisation et participation, Ricœur ne fait pas oeuvre d’historien en proposant ces dénominations de stoïcisme et d’orphisme : l’un et l’autre désignent des attitudes « éthiques »[39] fondamentales. Sur ce fond commun à leur démarche, on peut néanmoins remarquer des nuances importantes. Pour établir le paraléllisme entre les textes, il a fallu inverser les termes de l’un ou de l’autre : c’est pourquoi le lecteur trouvera le courage d’être soi–même placé avant celui d’être en participant, pour que la comparaison avec le stoïcisme puis avec l’orphisme soit plus aisée.

L’ordre tillichien vient de la polarité ontologique fondamentale Soi–Monde. Plus exactement c’est la polarisation de la première puissance schellingienne (les éléments ontologiques « partagent le caractère bipolaire de la structure fondamentale », T.S. tome 2 p.16)[40]. Mais peut–être lui semblait–il que cette polarité était la plus sensible, la plus active, la plus proche des débats de l’époque (marxisme–existentialisme). Il ne faut en tout cas pas majorer à l’excès l’interprétation schellingienne de cette polarité. On retrouve par exemple une polarité très semblable chez Heidegger, avec « l’être–au–monde en tant qu’être– avec et en tant qu’être–soi–même »[41]. C’est en tous les cas le déploiement complet d’une « expérience » ontologique (soi–monde) : expérience « réceptive »[42] par excellence, celle d’être accepté.

L’ordre de Ricœur est plutôt celui de l’oscillation entre un consentement imparfait et un consentement excessif : l’affirmation stoïcienne est avare, et l’affirmation orphique est hyperbolique. Il semble que l’on puisse retrouver là, in nuce, ce double mouvement qui anime l’herméneutique Ricœurienne entière entre distance et appartenance, entre critique et herméneutique. Lorsque par exemple il écrit : « il n’est pas d’autre façon de rendre justice à la notion de vérité métaphorique que d’inclure la pointe critique du « n’est pas » (littéralement) dans la véhémence ontologique du « est » (métaphoriquement) »[43], il cherche le jeu ou la règle de langage qui convient pour dire cette oscillation ontologique (cette oscillation fondamentale dans notre rapport à l’être). Dans tous les cas, il n’est pas anodin que cette oscillation soit prise chez des poètes : il s’agit d’une ontologie poétique, en aval d’une parole.

B. L’expérience et l’affirmation de l’être :

Voici donc la conclusion vers laquelle nous nous acheminons : si l’on rapproche l’oscillation tillichienne du courage entre individualisation et participation, et celle proposée par Ricœur entre stoïcisme et orphisme, le troisième terme, le courage d’accepter d’être accepté[44] (Tillich) et le consentement selon l’espérance[45] (Ricœur), apparaît comme l’index d’ontologies différentes. On ne reprendra pas ici les traits de proximité qui ont été développés dans la première partie de cette étude, l’écart avec une problématique où l’être « avalerait » trop aisément le néant, et l’écart avec une problématique où le néant prévaudrait sur l’être. Ici et là d’ailleurs la protestation des deux auteurs est la même, contre une ontologie trop plate. Il faut penser un être qui porte le non– être comme une interrogation aussi puissante et originaire que l’affirmation.

Mais chez Tillich la catégorie de l’expérience de l’être, et de cette expérience dans sa négation même, est première et centrale. Dans « La signification historique de la philosophie existentielle » il parle de l’expérience personnelle et immédiate de l’existence[46], et de ce que les philosophes de l’existence doivent en ce sens à l’idée shellingienne d' »expérience a priori »[47], réclamant un accès empirique ou « expérientiel » à l’existence (même si la description en diffère chez Schelling, Kierkegaard, Jaspers ou Kierkegaard). Et il articule ainsi la religion et la philosophie : « la religion s’occupe existentiellement de la signification de l’être ; la philosophie s’occupe théoriquement de la structure de l’être. Mais la religion ne peut s’exprimer que par les éléments ontologiques et les catégories philosophiques dont s’occupe la philosophie, et la philosophie ne peut découvrir la structure de l’être que dans la mesure où l’être en soi s’est manifesté dans une expérience existentielle »[48].

L’expérience est de l’ordre de la force, et les catégories de l’ordre de la forme[49], mais l’expérience précède. Un peu comme chez le premier Husserl, il s’agit de chercher en amont du jugement une strate plus fondamentale, plus originaire ; l’expérience est première. Et c’est justement pourquoi l’expérience doit être problématisée : Tillich critique une théologie empirique qui chercherait sans autre le fondement de la théologie dans l’expérience religieuse : car cette expérience est existentielle, vécue par chacun dans une situation singulière. Elle n’est donc pas la source même, mais le « médium », le lieu et le moment de la réception. Ce faisant, Tillich distingue l’expérimentation produite et l’expérience reçue. L’expérience religieuse ne se produit pas. Bref il en vient à montrer la pluralité des types d’expériences qui correspondent aux différents « objets », aux différents types de vérité.

Chez Ricœur on peut dire sans exagération que l’affirmation de l’être, et cette affirmation dans sa négation même, en précède l’expérience. Ce n’est pas un hasard si à cet endroit–là apparaît le thème de l’espérance : « seule l’espérance eschatologique, non l’intuition (…) Que « cela soit bon » je ne le vois pas : je l’espère dans la nuit (…) Rien n’est plus proche de l’angoisse du non–sens que la timide espérance »[50]. En ce sens–là on peut dire qu’il n’y a pas d’expérience ontologique chez Ricœur : l’ontologie est toute entière eschatologique. Cette absence d’expérience est évidemment un thème kantien, et l’on sait la proximité établie par Ricœur entre la théologie de l’espérance de Moltmann et la philosophie kantienne[51].

Nous venons toutefois de dire que l’affirmation de l’être en précède l’expérience : de quelle expérience s’agit–il ? Dans sa critique du jugement esthétique, Kant dit du jugement de beauté qu’il précède le sentiment de plaisir[52]. En la matière le jugement précède l’expérience. C’est sur cette indication que nous voudrions proposer cette idée, que chez Ricœur l’affirmation originaire, ou ce qu’il appelle également l’attestation, dans sa structure métaphorique même, est poétique. Elle suspend l’expérience ordinaire (littérale) et ouvre devant elle le champ d’une expérience (poétique) qui est une expérience ontologique. Le jugement d’affirmation est premier. Et c’est justement pourquoi il doit être problématisé. De même que Tillich explore la pluralité des types d’expérience, Ricœur explore l’irréductible pluralité des discours et des paroles qui nous ouvrent à l’être. Et cette pluralité est celle même de l’ontologie, que nous ne pouvons pas réunifier.

Il est impossible de cacher le caractère sommaire et schématique de cette étude. Il est peut–être non moins impossible de montrer la dissemblance entre les deux discours que d’en montrer la ressemblance ! En partant d’une isomorphie, on a pu déplier quelques différences dans les problématiques de définition, ou d’origine ; et cet écart entre une ambiance kantienne et une ambiance plus shellingienne s’est retrouvé jusque dans l’ontologie implicite aux deux démarches. On a également tenté de saisir la singularité de l’expérience ou de l’espérance qui animent l’un et l’autre auteur. Tillich, mû par l’aiguillon du désespoir ou de la foi absolue, apparaît ici comme celui qui, franchissant les frontières, dépouille les vieilles langues pour trouver la source pure du sens. Quant à Ricœur, parce qu’il sait que la terre promise disparaîtra s’il tente de l’embrasser, c’est en parlant et d’une parole seulement poétique, qu’il se tourne vers elle. Reste la surprise, que les deux styles théologiques implicites à cette ontologie des profondeurs et à cette ontologie poétique, puissent engendrer une si semblable figure du courage éthique.

Olivier Abel

Publié dans P.Tillich et l’expérience religieuse contemporaine,
Actes du 9ème Congrès Tillich

Faculté de Théologie de Lausanne, 1991.


Note :

 

[1] La première date marque la fin de la rédaction (Le Chambon sur Li–gnon, Pâques 1948) de cette « thèse », et la seconde sa publication chez Aubier. La partie qui nous intéresse se trouve au chap.III de la 3ème partie, sur « le chemin du consente–ment ». On désignera ici Le courage d’être de Tillich par les initiales C.E. (cité dans l’édition de 1967 par Casterman), Le volontaire et l’involontaire, L’homme faillible et Histoire et vérité de Ricœur par les initiales V.I. (Aubier 1950), H.F. (Aubier 1960), et H.V. (Seuil 1964).

[2] Il s’agit exactement des deux derniers textes sur « vraie et fausse angoisse »–(1953) et « négativité et affirmation originaire »(1956).

[3] Cette étude ne vise pas à établir la comparaison mais à la commenter, et c’est pourquoi les références de la comparaison restent très sommaires. Lors du Colloque de Lausanne, un « montage » des deux séries de textes avait été proposé. Trop long pour être ici transcrit, il est disponible chez l’auteur.

[4] On peut jouer sur la ressemblance phonétique entre les deux termes, mais peut–on expérimenter l’espérance ? C’est d’une certaine mesure tout le débat entre nos auteurs.

[5] C.E. p.48–51, et H.V. p.317.

[6] Martin Heidegger, Etre et temps (trad.F.Vezin) Paris Gallimard 1986, p.235–236. Rappelons que la première édition de Etre et temps est de 1927.

[7] C.E p.51. Chez Calvin les « idoles » de la superstition sont aussi les objets de la crainte, et sont plutôt à mettre en polarité avec les objets de la cupidité.

[8] Jean–Paul Sartre, L’être et le néant, Paris Gallimard 1943, Coll.TEL p.82 sq.

[9] H.V. p.356.

[10] C.E. p.173.

[11] Parlant de « l’affirmation originaire », Ricœur écrit : « ce mot de Jean Nabert dans ses Eléments pour une éthique me paraît très propre à désigner cette véhémence d’existence que l’angoisse met en question » (H.V. p.318).

[12] Selon Tillich, c’est « une affaire d’expérience et de pensée » (C.E., p.38).

[13] Certes il y a pour Tillich des éléments existentialistes aussi dans la philosophie de Hegel et surtout dans celle de Nietzsche : ce qui est visé ici, c’est l’excessif consentement à une destinée dont l’individu n’est qu’instrument.

[14] C.E. p.54–56, et H.V. p.319–323.

[15] C.E. p.57–60, et H.V. p.325–328.

[16] C.E. p.62–63, et H.V. p.329–331.

[17] « Das Sein–Könnende », en ce sens, est le pouvoir d’affirmation de l’existant dans l’existence, à un niveau tout à fait élémentaire, fonda–mental. Tillich insiste sur le fait que la mort s’attaque aux deux pôles: celui de l’invidualisation comme celui de la participation (C.E. p.54).

[18] Pourquoi ? Parce que « Das Sein–Müssende », ce qui donne limite et forme, est l’aptitude à « vivre de façon créatrice dans les diverses sphères du sens »(C.E. p.57). Notre rapport à l’univers des « significations » est rythmé par cette polarité entre les formes rencontrées et la recréation que nous en faisons.

[19] « Das Sein–Sollende » tient au fait que l’homme est responsable, « tenu de répondre, s’il est interrogé, sur ce qu’il a fait de lui–même. (…) Dans tout acte d’affirmation de soi morale l’homme contribue à l’accomplissement de sa destinée »(C.E. p.62).

[20] Il me semble qu’en dehors des « éléments ontologiques » (individualisation–participation, dynamique–forme, liberté– destinée), il n’y en a pas d’autre qui ait cette structure ternaire dans la théologie systématique.

[21] On pourrait même donner une interprétation trinitaire de ce par–cours, comme le propose Thomas O’Meara dans « Schelling in the systematic theology » (Religion et culture, Québec Presses de l’Université Laval 1987, p.194).

[22] Conformément aux indications de l’introduction à « la question de l’être », les éléments ontologiques « partagent le caractère bipolaire de la structure fondamentale » (Théologie Sytématique Paris Planète 1971, tome 2 p.16, désigné ici T.S.). Voir C.E. p.93.

[23] T.S. tome 2 p.29.

[24] T.S. tome 2, p.45.

[25] T.S. tome 2 p.82–83.

[26] Il ne s’agit ici que des figures principales. En effet on pourrait aussi dire qu’il y a quatre, cinq, six ou même sept types d’angoisses ! Car à chaque niveau Ricœur distingue une vraie d’une fausse angoisse, l’angoisse vitale de l’angoisse psychique (l’in– capacité à être soi), l’angoisse historique de l’angoisse du monde technique (complexe et anonyme), l’angoisse de la culpabilité de l’auto–accusation morbide ; enfin il couronne l’ensemble par une angoisse métaphysique (la possibilité que Dieu soit méchant), qui est comme le chiffre de la récapitulation du cycle entier des angoisses (H.V. p.332–333).

[27] Dans Histoire et Vérité la dernière partie sur « la puissance de l’affirmation » comporte « vraie et fausse angoisse » (exposé au paragraphe précédent) et « négativité et affirmation originaire » (exposé ici).

[28] Ricœur lui–même écrit, de la volonté comme acte de négation : « C’est le message de Descartes et de Kierkegaard, c’est à dire les deux faces de la philosophie que nous essayons de réconcilier » (V.I., p.418). On sait que pour Descartes la possibilité de l’erreur vient de la disproportion entre un entendement fini et une volonté infinie : on peut juger au-delà de ce dont on a une idée claire et distincte. C’est par cette analogie que Ricœur propose une analyse transcendantale de la faute.

[29] V.I. p.319 sq.

[30] V.I. p.416.

[31] H.F. p.148.

[32] H.F. p.148. Un peu plus haut, Ricœur étudie les passions, c’est à dire les affections fondamentales du « coeur », et il prend pour guide l’anthropologie au point de vue pragmatique de Kant. Or la trilogie kantienne des passions racontée par Ricœur procède à partir des passions de l' »avoir » (et le besoin élémentaire de possession corporelle, physique), à travers les passions du « pouvoir » (et l’institution qui donne sens et règle aux conflits dans les relations humaines), vers les passions du « valoir » (et la requête de l’estime d’autrui, qui répond à la fragilité affective par la reconnaissance mutuelle)(pour tout cela voir H.F. p.129– 141). Cette analyse également ressemble (et ne ressemble pas) à notre trilogie des angoisses.

[33] C.E. p.67.

[34] Ricœur est resté près de quatre ans prisonnier en Allemagne ; c’est alors qu’il traduisit les Ideen de Husserl (dans les marges du livre, en cachant son crayon).

[35] « Le stoïcien qui surmonte l’angoisse du destin avec le courage du sage socratique et le chrétien qui surmonte l’angoisse de la culpabilité avec le courage protestant d’accepter le pardon sont l’un et l’autre dans une situation différentes. Même dans le désespoir d’avoir–à–mourir et dans celui de la condamnation de soi, le sens continue d’être affirmé et sa certitude est maintenue. Mais quand il s’agit du désespoir du doute et de l’absurde, le non–être les engloutit tous les deux »(C.E. p.171).

[36] Et il l’emploie encore fréquemment aujourd’hui, constance auprès d’un terme simple rare chez Ricœur, qui dit avoir pour principe de ne jamais se relire, de ne jamais se « reprendre ».

[37] C.E. p.130 et 152, et V.I. p.441–444.

[38] C.E. p.100 et 110, et V.I. p.445–450.

[39] Ethique au sens presque spinozien ici. Mais on peut tout aussi bien les comprendre comme une typologie des attitudes religieuses.

[40] C.E. p.93–97.

[41] Martin Heidegger, Etre et temps, Paris Gallimard 1988, p.155. Voir également ce qu’il en écrit p.169, à propos de « l’essentielle appartenance »(« on fait soi–même partie des autres »), et p.173 à propos de la découverte du soi.

[42] Expérience « réceptive » et non pas « contrôlée » (T.S. 1, p.203).

[43] Paul Ricœur La métaphore vive Paris Seuil 1975 p.321.

[44] C.E. p.154, 183 et 185.

[45] V.I. p.451–452.

[46] Paul Tillich, Théologie de la culture, Paris Planète 1968 (bibliothèque Médiations p.102 sq.

[47] Il développe le grand attrait de Schelling pour l’empirisme anglais, et raconte peut–être ainsi son propre respect pour la pensée anglo–saxonne, cette primauté de l’expérience qu’il décrit dans le tome 1 de sa Théologie systématique p.89 sq. et 199 sq.

[48] T.S. 2 p.138–139.

[49] C’est la dualité religion–culture.

[50] H.V. p.334.

[51] Cf. « La liberté selon l’espérance » in Le conflit des interprétations, Paris Seuil 1969.

[52] « Cet acte de juger simplement subjectif de l’objet, ou de la représentation par laquelle il est donné, précède la plaisir concernant l’objet et est le fondement du plaisir venant de l’harmonie des facultés de connaissance » E. Kant, Critique de la faculté de juger, Paris Vrin 1974 p.61.