« Appel aux muezzins »

Qui suis-je pour vous appeler ? Je ne suis qu’un passant venu vers vous de loin. J’ai habité longtemps dans l’une de vos villes aux mille minarets. Je suis quelqu’un de fidèle à sa propre parole, mais j’imagine avec bonheur les générations par milliers qui grandiront dans l’Islam, et réinventeront à chaque fois la chorégraphie de l’honneur rendu à Dieu. Et je vous appelle à laisser les hauts-parleurs. Car la voix, au filtre de la technique, fait Dieu à la ressemblance de cette technique, de ce bruit plus fort. Dans le bruit du monde, les fidèles s’habituent à l’appel, et vous voudriez monter le son. Mais l’appel, goutte d’eau dans le silence, est délicieux au début, et torture à la fin. Ayez confiance en Dieu, chantez à voix nue. La voix n’a pas de dehors, elle est seulement devant Dieu, elle boit l’absence de ses propres paroles. Nos voix sont multiples et nous aimons Dieu. Dieu est Un, et il aime le multiple. Mais voici : chaque langue se prend pour la seule, or Dieu est l’absent de toute langue. Le cherchant, il m’a été interdit d’épouser une fille de ma langue, et je vais de Dieu à Dieu.

Paru dans Mission n°avril 2002

 

Olivier Abel
(merci de demander l’autorisation avant de reproduire cet article)